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4 - Avril 2020 - A quoi sert la philosophie ? Audiodébat

Sur France Culture
https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-de-la-philo/a-quoi-ca-sert-la-philosophie



https://youtu.be/twU3E5014wM


A quoi sert la philosophie ?   Quelques Pistes


1/ Ça ne sert à rien de se demander si la philosophie sert à quelque chose


Certains  e demandent   à quoi peut bien servir l’enseignement de la philosophie, et raisonnent parfois comme ceci (ce raisonnement s’appelle un syllogisme) :

  1. un enseignement doit être utile pour mériter mon attention
  2. La philosophie n’est pas utile
  3. par conséquent, la philosophie ne mérite pas mon attention.
C’est vrai que la philosophie n’est pas utile dans le sens où elle ne contribue sans doute pas à la croissance économique. Mais cela peut-il justifier qu’on la néglige ? Un film, une balade en forêt, du sucre dans le café, un jeu vidéo… tout cela n’est pas utile, non plus, mais c’est bien agréable. De même, la philosophie peut être bien agréable. De plus, elle a aussi une certaine utilité. Elle permet notamment de mieux penser et développe des compétences intellectuelles qui rendront l’élève plus performant dans d’autres disciplines comme les sciences ou les lettres.

2/ Philosopher, c’est d’abord et avant tout (se) poser de bonnes questions


Un peu d’observation suffit à conclure que la majorité d’entre nous préfère apporter des réponses plutôt que de poser des questions. Un philosophe aborde les problèmes différemment et s’efforce avant tout à poser des questions précises. En effet, de nombreuses questions sont mal posées ou prématurément posées et conduisent à des réponses vaines et inadéquates. Par exemple, la question « la vie a-t-elle un sens ? » est une question qui n’a pas de sens et qui signifie sans doute autre chose. La question est trop vaste, elle manque de précision, « la vie » n’est pas une individualité dont on pourrait déterminer le sens. Peut-être que la bonne question est : « ma vie a-t-elle le sens que je souhaite lui donner ? ». Avant donc d’apporter des réponses, il s’agira en philosophie de s’évertuer à poser de vraies questions.

3/ “Se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher” (Blaise Pascal dans Pensées)


En philosophie, rien n’est sacré, pas même les auteurs de philosophie. Philosopher, c’est oser penser par soi-même. On s’autorise donc à questionner les grands auteurs tels que Descartes, Platon ou Kant et il est tout à fait permis d’opposer des arguments aux leurs afin de démontrer votre propre raisonnement. Prendre garde toutefois à utiliser des arguments rationnels et non pas des opinions non justifiées. « Se moquer de la philosophie », selon l’expression de Pascal, révèle ainsi une indépendance d’esprit qui est précisément celle dont fait preuve le véritable philosophe, celui qui pense par lui-même, libre des opinions et des pressions socio-religieuses de son environnement.

a quoi sert la philosophie ?

Blaise Pascal

  "Calliclès : Il est beau d'étudier la philosophie dans la mesure où elle sert à l'instruction et il n'y a pas de honte pour un jeune garçon à philosopher ; mais, lorsqu'on continue à philosopher dans un âge avancé, la chose devient ridicule, Socrate, et, pour ma part, j'éprouve à l'égard de ceux qui cultivent la philosophie un sentiment très voisin de celui que m'inspirent les gens qui balbutient et font les enfants. Quand je vois un petit enfant, à qui cela convient encore, balbutier et jouer, cela m'amuse et me paraît charmant, digne d'un homme libre et séant à cet âge, tandis que, si j'entends un bambin causer avec netteté, cela me paraît choquant, me blesse l'oreille et j'y vois quelque chose de servile. Mais si c'est un homme fait qu'on entend ainsi balbutier et qu'on voit jouer, cela semble ridicule, indigne d'un homme, et mérite le fouet.
  C'est juste le même sentiment que j'éprouve à l'égard de ceux qui s'adonnent à la philosophie. J'aime la philosophie chez un adolescent, cela me paraît séant et dénote à mes yeux un homme libre. Celui qui la néglige me paraît au contraire avoir une âme basse, qui ne se croira jamais capable d'une action belle et généreuse. Mais quand je vois un homme déjà vieux qui philosophe encore et ne renonce pas à cette étude, je tiens, Socrate, qu'il mérite le fouet. Comme je le disais tout à l'heure, un tel homme, si parfaitement doué qu'il soit, se condamne à n'être plus un homme, en fuyant le coeur de la cité et les assemblées où, comme dit le poète, les hommes se distinguent, et passant toute sa vie dans la retraite à chuchoter dans un coin avec trois ou quatre jeunes garçons sans que jamais il sorte de sa bouche aucun discours libre, grand et généreux."

Platon, Gorgias, 484c-485e, tr. fr. Émile Chambry, GF, 1967, p. 226-227.
  
 "J'aurais […] fait considérer l'utilité de cette philosophie et montré que, puisqu'elle s'étend à tout ce que l'esprit humain peut savoir, on doit croire que c'est elle seule qui nous distingue des plus sauvages et barbares, et que chaque nation est d'autant plus civilisée et polie que les hommes y philosophent mieux ; et ainsi que c'est le plus grand bien qui puisse être en un Etat que d'avoir de vrais philosophes. Et outre cela, que, pour chaque homme en particulier, il n'est pas seulement utile de vivre avec ceux qui s'appliquent à cette étude, mais qu'il est incomparablement meilleur de s'y appliquer soi-même ; comme sans doute il vaut beaucoup mieux de servir de ses propres yeux pour se conduire, et jouir par même moyen de la beauté des couleurs et de la lumière, que non pas de les avoir fermés et suivre la conduite d'un autre ; mais ce dernier est encore meilleur que des les tenir fermés et n'avoir que soi pour se conduire. C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n'est point comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu'on trouve par la philosophie ; et enfin, cette étude est plus nécessaire pour régler nos mœurs, et nous conduire en cette vie, que n'est l'usage de nos yeux pour guider nos pas."

Descartes, Les principes de la philosophie, 1644, Première partie, Lettre de l'auteur à celui qui a traduit le livre, Vrin, 1993, p. 30-31.

 "On ne s'imagine Platon et Aristote qu'avec de grandes robes de pédants. C'étaient des gens honnêtes et comme les autres, riant avec leurs amis : et quand ils se sont divertis à faire leurs Lois et leur Politique, ils l'ont fait en se jouant. C'était la partie la moins philosophe et la moins sérieuse de leur vie. La plus philosophe était de vivre simplement et tranquillement. S'ils ont écrit de politique, c'était comme pour régler un hôpital de fous. Et s'ils ont fait semblant d'en parler comme d'une grande chose, c'est qu'ils savaient que les fous à qui ils parlaient pensaient être rois et empereurs. Ils entraient dans leurs principes pour modérer leur folie au moins mal qu'il se pouvait."

Pascal, Les Pensées, 1670, § 331 (Brunschvicg).

 "Si l'on demande à quoi sert la philosophie, la première réponse qui vient à l'esprit est : à rien ! Ce n'est pas forcément une manière de la condamner. Plusieurs philosophes vous diront que cette absence d'utilité la rend au contraire infiniment précieuse dans un monde où tout sert à quelque chose. « L'utile est toujours laid », disait Théophile Gautier, et certains auront tendance à penser que la philosophie est d'autant plus belle qu'elle est inutile. Telle n'est pas ma pensée. Je souscrirais plus volontiers à ce qu'a dit Gilles Deleuze, si ma mémoire est bonne : « Si vous pensez que la philosophie ne sert à rien, n'en faites pas ! »
Il est vrai qu'il y a des tas de choses tout à fait estimables qui ne servent à rien. La musique, l'amour, le plaisir, en un sens, ne servent à rien. Et le bonheur, à quoi sert-il ? A rien, bien sûr ! Cela n'empêche pourtant pas que l'on fasse de la musique, que l'on fasse l'amour, ou que l'on tente d'être heureux... Mais c'est qu'on recherche le plaisir, l'amour ou le bonheur pour eux-mêmes : l'agrément qu'il y a à jouir, à aimer, à être heureux se suffit à lui-même. Est-ce le cas de philosophie ?
 Soyons franc : elle frappe par sa difficulté plutôt que par son agrément. Elle est fatigante, ennuyeuse, angoissante parfois. À tel point que si, vraiment, elle ne servait à rien, on en déconseillerait la tentative à tout un chacun. Plutôt qu'un plaisir ou un art, la philosophie est d'abord un travail. Elle n'est pas que cela. Mais je crois qu'elle est avant tout un travail, avec tout ce que le travail a de pénible et souvent d'ingrat. Comme tout travail doit servir à quelque chose, la question devient : à quoi sert la philosophie ? A-t-elle un enjeu pratique ? Je crois que oui. La philosophie sert à vivre, simplement. Son but est à mes yeux le bien-vivre ou le mieux-vivre, c'est-à-dire le bonheur, ou qui peut nous en rapprocher.
 En faisant du bonheur le but de la philosophie, je m'appuie sur une tradition fort ancienne et multiforme, et d'abord sur la tradition grecque. J'en extrairais volontiers la belle définition de la philosophie que donnait Épicure, et qui va à l'encontre de l'opinion reçue selon laquelle on ne pourrait définir ce qu'est la philosophie. « La philosophie, disait Épicure, est une activité qui, par des discours et des raisonnements nous procure la vie heureuse. » J'aime tout, dans cette définition. Que la philosophie y soit une activité, et pas seulement une théorie. Qu'elle procède par discours et raisonnements, et pas seulement par intuitions et visions. Qu'elle tende au bonheur !
 Je donnerai pour ma part la même définition quant au fond, formulée dans un langage peut-être plus moderne : la philosophie est une activité discursive, qui a la vie pour objet, la raison pour moyen et le bonheur pour but. Je pense répondre ainsi aux deux questions : « Qu'est-ce que la philosophie et à quoi sert-elle ? » Car ces deux questions n'en font qu'une. Inutile de préciser que cette définition est mienne. Elle ne prétend pas valoir pour toutes les philosophies. Mais cela même est philosophique.
Il faut encore préciser. Dire que la philosophie sert à vivre mieux, à être plus heureux, n'est évidemment pas à entendre comme l'annonce qu'il existerait des spécialistes à même de faire votre bonheur à votre place, tout comme une femme de ménage peut faire votre ménage pour que vous n'ayez pas à le faire. Les philosophes ne sont pas les femmes de ménage de l'esprit. Leur existence ne saurait vous dispenser de philosopher. Ils ne peuvent servir qu'à vous aider à philosopher vous-même, par vous-même, pour vous-même.
 C'est parce que la philosophie sert à vivre qu'elle ne peut appartenir en propre aux philosophes de métier. Et c'est pourquoi aussi personne ne peut se dispenser de philosopher. Dès lors qu'on essaie de penser sa vie et de vivre sa pensée, on philosophe, peu ou prou, et plus ou moins bien. Les grands auteurs nous aident seulement à philosopher un peu mieux.
 Il reste encore à préciser que si le bonheur est le but de la philosophie, il n'est pas sa norme. Ce n'est pas parce qu'une idée me rend heureux que je dois la penser ; c'est uniquement parce qu'elle me paraît vraie. Il ne s'agit donc pas de penser ce qui me rend heureux, ce qui serait faire du bonheur la norme et soumettre la philosophie à une espèce de pragmatisme éthique. Il s'agit de penser ce qui me paraît vrai. Or s'il y a contradiction entre ces deux exigences, la normativité du vrai et la finalité du bonheur, la dignité du philosophe se joue toute entière dans le fait qu'il choisit la vérité. Si quelqu'un a le choix entre un bonheur et une vérité, il n'est philosophe qu'en tant qu'il choisit la vérité.
Cet amour du vrai me semble commun à tous les philosophes. À tel point que ceux qui ne se soumettraient pas à cette norme de la vérité, de mon point de vue, ne seraient plus des philosophes, mais bien ce que la tradition appelle des sophistes. Car si la philosophie sert à quelque chose, c'est en fin de compte à chercher le bonheur dans la vérité. Le but et la norme de la philosophie se rencontre ici, et cette rencontre, quand elle est effective, définit la sagesse. Ce bonheur ne serait pas fait, comme la plupart des plaisirs contingents. Ni d'illusions et de mensonges. Ce bonheur serait fait de vérité, et c'est ce qu'on appelle la béatitude : le bonheur dans la vérité, ou l'amour vrai du vrai."

André Comte-Sponville, Une éducation philosophique, 1989.

Quelques Notes prises à la volé pendant l'audiomeeting.( Qui à pas mal fonctionné finalement)

E. : Questionnement, cela sert à prendre de la hauteur
G.: servir me dérange, apprendre à regarder à se détacher, apprendre à penser et à (se) questionner
Jean : Accroître les forces de l’esprit. Apprendre à apprécier ce que l’on a et savoir se conduire en être humain.

Définition de la philosophie :  Est-ce une science ?  C’est plus qu’une science. car cela tient compte du ressenti. La philosophie va plus loin que les sciences.

J. :  On ne peut pas utiliser la philo si elle ne va pas dans les domaines voisins, science, morale, éthique, psychologie, social, métaphysique….

G.: se nourrit des connaissances et évolue.

La philosophie sert à apprendre à vivre et apprendre à mourir.
Lettre d’épicure à Ménécée
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_%C3%A0_M%C3%A9n%C3%A9c%C3%A9e

J. : Ca sert à ce que les hommes sachent vivre en commun (spectacle de l’humanité). La métaphysique : ce qui est en dehors de la physique.  

C’est gratifiant de trouver qq chose,
C’est une élévation
On s’élève donc on se questionne , on s’épanouit, on apprend que la “frustration est bonne” car 
La bonne frustration est celle qui nous fait grandir, qui éclaire.
La bonne frustration est ce que c’est la frustration dont on fait un élément philosophique 
L’enfant qui n’accepte pas la frustration devient tyrannique et quitte l’humanité
La frustration est un moyen de faire de la philosophie, tout est expérience pour l’enfant
La bonne frustration est de ne pas céder à ses pulsions ? MAis élise dit le contraire maintenant ! Il faut confronter ses désirs à la durée. Les devoirs de l’individu envers lui-même.

Accepter le paradoxe de nos émotions ?Apprendre à faire avec, c’est philosophique ? Apprendre à s’écouter en ne se mettant pas en danger ?La philosophie est là pour nous éclairer et la passion nous aveugle. 
Conclusion par G.:  Ce que je constate,c’est que cette philosophie nous permet de s'interroger et d’être lucide et à mettre du sens à ce qui se passe, à la nature, à la vie, à rester branché à la réalité.
A être lucide sur soi-même. 
C. : La philosophie , c’est aussi le seul moyen d'échanger des mots sans être dans la médisance ni dans le bêtise de la bien-pensante. Puisque dés que l'on doute l'on est en philosophie.