Rechercher dans ce blog

Les ateliers moulins - Christian BELBEZE

  

 

 

Les ateliers philosophiques moulins

ou

Quelle influence l’utilisation d’un cadre aux horaires ouverts a-t-elle sur la perception des élèves, sur le déroulé et sur les conséquences de l’atelier philosophique ?
 

-


Présenté par Christian BELBEZE

Sous la direction de Johanna HAWKEN

Août 2024

 

Remerciements

 

Je souhaite avant tout remercier ma directrice de mémoire, Johanna HAWKEN, pour le temps qu'elle nous a consacré à nous apporter les outils méthodologiques indispensables à la conduite de ce projet et sa confiance dans notre capacité à traiter ce sujet.

 

Je remercie l’ensemble des professeurs du D.U. pour leur implication et plus particulièrement Edwige Chirouter pour m’avoir éclairé sur la différence entre philosophie et éducation aux bonnes mœurs camouflée en philosophie, Christian Budex pour ses cours passionnants, Olivier Blond-Rzewuski pour la transmission de son amour de la philosophie et des enfants et Charlie Renard pour nous avoir fait découvrir l’importance d’une supervision que nous pratiquons aujourd’hui de manière mensuelle et encore tous les autres intervenants pour leurs apports indispensables.

Je remercie le personnel de Direction du Collège du Lherm qui m'a donnée l'opportunité de pouvoir mettre en place ce projet au sein de l’établissement et plus particulièrement madame Sandrine EPOUDRY, pour ses investissements qui ont été indispensables à la réussite et au bon déroulement de ces sessions et plus particulièrement celles entre la France et le Maroc. Elle a été la cheville ouvrière entre nous et l’institution.

Je remercie l’ensemble des professeurs du collège qui m’ont permis d’intervenir dans leurs classes en début d’année pour présenter les ateliers Philos et les AED qui ont accompagné ce projet par leurs échanges aux retours des ateliers avec les élèves.

Je remercie Marcelle et Michel Tozzi, qui, après m’avoir inspiré depuis de longues années, me font aujourd’hui l’honneur de bien vouloir suivre mes expérimentations risquées et parfois même de se risquer à y participer et qui, malgré cela, restent pour l’instant toujours mes amis en philosophie.

Je remercie mon équipe : Francis Tolmer pour son aide à la captation vidéo, ses partages et ses idées de questionnement et Geneviève Letellier pour sa correction orthographique scrupuleuse. Merci, mes amis.

Enfin, je remercie, l'ensemble des étudiantes et étudiants du D.U pour leur curiosité, leur passion pour la philosophie et l’éducation et leur espérance en l’humanité que j’ai pu trouver auprès de chacun d’eux et en dernier lieu, je remercie bien sûr mes jeunes meuniers venus moudre en passant, dans notre moulin.

 



 

Table des matières

1      INTRODUCTION

1.1       Conditions matérielles, contraintes pratiques et projet idéal

1.2       Définition conceptuelle : Les cadres

1.2.1.        Le cadre “classique” des ateliers philosophiques avec les enfants et adolescents

1.2.2.        L’importance du cadre

1.2.3.        Le cadre institutionnel, cadre de tous les cadres

1.2.4.        Le cadre professionnel actuel

1.2.5.        Le cadre interne de l’animateur

1.2.6.        Le cadre pratique

1.2.7.        La sécurité

1.2.8.        Les incivilités

1.2.9.        La responsabilité

1.2.10.      La sincérité

1.2.11.      La conceptualisation du cadre réel

1.3       Le terrain et la méthode d’enquête

1.4       La problématique

2     ÉTAT DE L’ART

2.1       Le rôle du cadre

2.2       La philosophie sociale et les ateliers Intermèdes Robinson ou l’intégration du cadre comme preuve du partage de responsabilité entre les présents

2.3       Un cadre avec lequel on joue pour se libérer

3     NOTRE EXPÉRIMENTATION

3.1       Le cadre “moulin”

3.1.1.        Un cadre d’éducation formelle, informelle ou non formelle ?

3.1.2.        Le cadre “moulin”, un cadre déconcertant à résoudre qui questionne

3.1.3.        Une règle par exemple : La politesse c’est “de ne pas dire ni bonjour, ni au revoir”

3.1.4.        La salle : Puisqu’il faut bien en parler

3.1.5.        Les variations de population

3.1.6.        Comment l’animateur doit-il vivre ces variabilités de population ?

3.1.7.        Un dispositif adapté aux ateliers moulins

3.2       Philosophicité des ateliers : à quelle condition la philosophie est présente dans les ateliers moulins ?

3.2.1.        Conceptualisation

3.2.2.        Problématisation

3.2.3.        Argumentation

3.2.4.        Philosophicité et cadre Moulin : un équilibre à la charge de l’animateur

3.2.5.        Comment conserver l’attention par la tension

3.3       L’hypothèse

3.3.1.        La liberté d’aller et venir

3.3.2.        “As if “ : mal me tenir comme si j’étais un adulte

3.3.3.        Restons humbles

3.4       Le questionnaire

3.4.1.        Première partie du questionnaire : les questions fermées

3.4.2.        Deuxième partie : Les questions ouvertes

3.4.3.        Troisième partie du questionnaire : Les mots associés

3.4.4.        Les limites du questionnaire et ses possibilités d’évolution

3.5       Quelle influence l’utilisation d’un cadre aux horaires ouverts a-t-elle sur la perception des élèves, sur le déroulé et sur les conséquences de l’atelier philosophique ?

3.5.1.        La séance « Qu’est ce qui nous aide ou nous empêche de penser ? »

3.5.2.        L’éloge du calme et de l’ordre qui aide à penser

3.5.3.        Du chaos et du bruit jaillissent sinon la lumière, des idées, la possibilité de parler et peut-être de penser

3.6       Conclusion : une communauté de recherche qui cherche ses limites

AUTOCRITIQUE DU TRAVAIL

CONCLUSION GENERALE

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE

Paroles d’élèves, 10 ans plus tard

Kevin

Sarah

Sacha

La parole de l’institution : Evaluation Atelier philo non contraint par Madame Sandrine EPOUDRY, CPE au Collège Flora TRISTAN

Le questionnaire

Les réponses aux questions fermées du questionnaire

Les réponses aux questions ouvertes du questionnaire

Les réponses à la question trois du questionnaire

Tableau du choix des mots dans l’enquête de 1998 (Jeantheau J-P & Murat, 1998).

Les sujets de cette année 2023 - 2024 dans les ateliers moulins au collège du Lherm

 

 

 


1     INTRODUCTION

 

Parler du cadre de l’atelier philo et presque seulement du cadre peut sembler loin de l’objectif couramment admis qui serait celui d’apprendre à penser par la force d’une méthode nous permettant la mise à distance de tout ce qui nous entoure. Et les ateliers philosophiques proposent le plus souvent un cadre dont le but est d’obtenir un calme des corps et des sons laissant place à une méthode permettant la réflexion et les échanges. Cela peut même aller jusqu’à la mise en place d’une séance de relaxation en préalable durant laquelle le silence est le plus parfait possible et les corps contrôlés. Cette position n’est pas nouvelle. Pour Platon déjà, « Le corps est le tombeau de l'âme » (Platon, 400 av JC, p. 77) ; le corps, en tant que cadre de l’être humain pourrait donc se révéler un élément dangereux et trompeur. La grotte platonicienne et ses illusions en sont un autre exemple. La mort serait alors une libération ? Mais voilà, nous vivons, et le cadre et le corps sont des objets avec qui l’esprit se devra de composer pour continuer cette activité. De plus, le cadre n’est pas que physique, il y a cadre et cadre. Le premier est celui issu de notre culture, construit de règles, de lois, de croyances et d’habitudes, il est celui, entre autres, de nos institutions et de la politesse. On peut avoir l’impression, que celui-ci peut, par la force de l’esprit, être remis en question. Nous n’en sommes pas si sûrs, ce serait compter sans l'inconscient. Le second, certes lié au précédent, est celui posé par la rencontre avec le réel : être dans un cadre champêtre est par exemple l’expression de cette confrontation.

Que l’on pense en dehors du cadre, dans le cadre, contre le cadre ou même sans le cadre, celui-ci est toujours présent et pourrait donc ne pas être un élément mineur du processus de penser.

Il n’est pas possible de supprimer complètement le cadre pour posséder par comparaison avec un groupe témoin comme nous pourrions le faire dans une étude clinique sur les effets d’un médicament avec un placebo. Un placebo n’est d'ailleurs pas totalement l'absence de médicament. Nous avons tenté d’étudier des ateliers philosophiques avec un cadre le plus souple possible. Ce sont ces ateliers que nous nommerons, car selon l’expression, l’on peut y « entrer comme dans un moulin » : les ateliers moulins.

 

1.1    Conditions matérielles, contraintes pratiques et projet idéal

Organiser un atelier ou un club en collège durant la pause méridienne est chose difficile. En effet les élèves ont des emplois du temps complexes tournant sur périodes quadri mensuelles (semaine A et B) et des tours de passage au réfectoire très précis, souvent en fonction de l'appartenance à leur classe. Les subterfuges utilisés par les professeurs organisant des ateliers durant la pause méridienne sont l’enregistrement d’élèves préalable sur des listes donnant la priorité de passage au réfectoire contre l’engagement de la présence à l’année à l’atelier, ou encore la limitation de l’accès à l’atelier uniquement aux classes dont les emplois du temps le permettent.

 

En octobre 2013, dans le collège tout neuf, du village de Noé, 3800 habitants, situé à 40 kilomètres au sud de Toulouse, se tient la première réunion du FSE (foyer socio-éducatif). Le collège n’est ouvert que depuis un mois et ne reçoit encore durant cette première année que les élèves de 6e et de 5e, soit environ 320 élèves. Je propose, en tant que parents d'élèves, un atelier philo durant la pause méridienne. Devant l’air goguenard d’un conseiller principal d'éducation me voyant dans l’embarras à trouver une solution au problème de gestions des emplois du temps, embarras renforcé par mon impossibilité de faire un appel pour vérifier quels élèves seraient présents (pas d’informatique encore fonctionnelle et les élèves m’étaient inconnus), je proposais alors, crânement, de ne pas avoir de règle sur les arrivées et les sorties des élèves durant l’atelier qui couvrirait l’ensemble de la pause méridienne de 12h à 14h. Les élèves venaient quand ils voudraient ou désireraient, avant ou après manger et selon la disponibilité que leur donnait leur emploi du temps et la gestion du passage au réfectoire. Le conseiller principal d’éducation me demanda d’un air pincé “Quand est-ce que je mangerais ?”. Pendant que je me questionnais. Mes références uniquement livresques à l'exception d’un atelier philosophique l’année précédente, n’étaient que celles de la rigueur de la DVDP de Michel Tozzi et des animations structurées de M. Lipman. Pendant donc, que je me posais la question sur le comment je pourrais bien animer dans ces conditions, ce sont les implications de ce qui peut apparaître comme un manque de cadre et de cette expérience renouvelée pendant six ans consécutifs au collège de Noé, puis en 2022-2023 et durant le stage du D.U. cette année scolaire 2023-2024 au collège de Lherm en Haute-Garonne, que nous allons présenter ici.

1.2    Définition conceptuelle : Les cadres

1.2.1.       Le cadre “classique” des ateliers philosophiques avec les enfants et adolescents

Le cadre est le plus souvent défini comme l’ensemble des éléments stables et non significatifs d’un atelier philosophique. Il est estimé muet et dénué de sens. Il s’agit principalement de règles concernant le lieu, la fréquence, les horaires, les honoraires, la présence d’une personne de l’institution, la façon dont les enfants sont assis en cercle… Classiquement, le cadre est une demande permettant d’entrer dans un espace normé qui est censé permettre la mise en place d’un dispositif souhaité et son exécution. Que ce soit dans les ateliers de type Lipman, les DVDP (Discussion à visées démocratiques et philosophiques) de Michel Tozzi, les ateliers AGSAS (Association au Groupe de Soutien Au Soutien) de Jacques Lévine ou encore les ateliers basés sur des œuvres littéraires de jeunesse d’Edwige Chirouter, le cadre souhaité régule l’accès à la parole pour chacun, permet des rôles et des fonctions (président de séances, synthétiseur …) et d’assurer la possibilité d’une création de communauté de recherche. Ces objectifs demandent à minima une présence continue de chacun et une information initiale sur l’objet de ladite recherche commune à tous les participants.

1.2.2.       L’importance du cadre

Cependant le cadre n’est pas que cela, il n’est pas que des règles rendant possible un dispositif, il est aussi générateur de culture, d’ambiance et porte en lui même un sens. Que le cadre puisse être déterminant, nul ne peut l’ignorer et nous défions quiconque d’avoir un débat philosophique dans l’oralité aux premiers rangs d’un concert du groupe AC/DC. Ou encore de simplement demander l’attention et l’éveil de tous après un festin trop arrosé. Mais le cadre est aussi signifiant philosophique, il est le vécu collectif des participants du débat et va faire, de fait, potentiellement exemple. Il ne serait pas possible, par exemple, de débattre calmement de la liberté de parole dans un cadre où certains participants se verraient interdire ladite prise de parole, ou encore, à l’inverse, de s’interroger sur la notion de liberté dans un espace où il y aurait une obligation à l’expression. Cette situation, une fois découverte, peut comme pour l’empereur dans “Les habits neuf de l’empereur” de Hans Christian Andersen laisser l’animateur nu, soit sans la crédibilité nécessaire à l’animation.

Dans notre expérience, à l’inverse de ce qu’il est fait le plus souvent et qui peut sembler souhaitable, le dispositif s’est mis au service du cadre. Quel impact d'un cadre ouvert aux horaires flottants sur la tenue de la méthode philosophique ? Ce cadre qui force le fond, puisque de fait “la forme, force le fond” et qui sera lui-même en perpétuelle évolution. La construction collective de la communauté de recherche, sa modélisation et son intégration avec des dispositifs possibles représentent une condition nécessaire à la survie des ateliers moulins.

1.2.3.       Le cadre institutionnel, cadre de tous les cadres

Il existe bien un cadre institutionnel historique des animateurs d’atelier philosophique pour les enfants et les adolescents. Historiquement, ce cadre est celui de l’école ou du collège et où les animateurs sont des professeurs ou des intervenants accompagnés par les professeurs et travaillant sous leur responsabilité.

Les ateliers sont donc des espaces recevant dans ce cas-là, l’ensemble des cadres, qui comme des poupées russes, s'emboîtent les uns sur les autres. Même si les règles et usages durant l’atelier en font un endroit et un moment “à part” dont J. Lévine dira qu’il fait du participant : “... autre chose qu’un élève, autre chose qu’un adulte, autre chose qu’un enfant ; il est une personne parmi les autres, un habitant sur la terre qui pense à la façon dont les hommes se conduisent sur terre. “, il serait faux de penser que la bulle est totalement étanche aux cadres des couches supérieures. Allant des lois de la république aux habitudes de gestion de classe du professeur (souvent présent dans les classes maternelles et primaires même s’il n’est pas animateur) en passant par la politesse, par les règles de courtoisie et allant jusqu’au règlement interne de l’établissement auxquels s'ajoutent les impératifs de rigueur de la pensée philosophique, ces différents cadres s'agencent et s’entrechoquent en se combinant.

Mais de nouveaux cadres se dessinent. Un des nouveaux cadres est celui de la professionnalisation des animateurs d’ateliers. Il convient maintenant de parler de cet aspect.

1.2.4.       Le cadre professionnel actuel                                 

Dans notre tour d’horizon du cadre professionnel nous tairons l’aspect financier. La raison principale en est un manque d’information. Il semble que si certains animateurs en font profession (soit selon la définition du service des impôts en tire plus de 60% de leur revenu), l'immense majorité des animateurs fonctionnent sans aucune règle précise, nous dirons “au cas par cas”. Il serait donc, sans une enquête précise préalable, hasardeux de vouloir ici avancer des chiffres et faire des conclusions sur cet aspect.

 

Pour le reste, nous devons d’abord dire que ce cadre historique s’ouvre et que de plus en plus d’animateurs proviennent d’horizons différents de la sphère professorale. L'association S.E.V.E. de F. Lenoir contribue à sa manière à cela. La création d’un diplôme à l’Université de Nantes est encore un autre médium d’ouverture. Des ateliers pour enfants se passent dans d'autres lieux que les établissements scolaires : médiathèques, maisons de la philo, centres culturels... Cette nouvelle communauté partage cependant une base déontologique de la communauté historique. S’il n’existe pas à notre connaissance de convention de déontologie explicite de la profession qui en codifie l’éthique, il existe des maîtres référents (M. Tozzi, E. Chirouter…) et certains animateurs controversés comme Oscar Brénifier. Ces figures font alors office de marqueurs de ce qui est nécessaire, souhaitable, possible et interdit.

 

La question de la nécessaire maîtrise de la matière philosophique au sens universitaire du terme est plus discutée. En effet, pour certains, il ne semble pas nécessaire de posséder une connaissance parfaite des philosophes classiques pour animer des ateliers pour enfants et adolescents. Par exemple, J. Lévine contourne le problème par la mise en place d’atelier de type AGSAS durant lesquels “l’animateur” ne parle pas, réglant ici la question. François Galichet, lui, propose dans Pratiquer la philosophie à l’école, 15 débats pour les enfants du cycle 2 au collège (Galichet, 2004, p. 2) de compenser un éventuel sentiment d’incompétence par la proposition aux enseignants de fiches dont les caractéristiques sont à la fois philosophiques et pédagogiques. Il n’en reste pas moins que, de notre point de vue, la gestion des ateliers demande une exigence minimale pour ce qui concerne le travail sur soi, dans lequel l’acquisition d’une solide base philosophique représente une étape majeure. En effet, que l’apport d’une pensée, soit en accord avec celle de l’animateur ou soit dans l’altérité de sa pensée permet d’animer ensuite le débat comme un capitaine qui fait naviguer son bateau en ayant connaissance des fonds marins, évitant ainsi des éléments de blocage et les courants par trop dangereux ou, au contraire, selon la situation, de choisir de jouer avec.

Personnellement, nous devons ajouter à ce cadre l’existence de liens amicaux avec plusieurs animateurs d’atelier philosophique pour enfants et adultes.

Cependant, nous nous devons de noter qu’il manque sans doute encore au cadre de notre pratique, un système de supervision organisé de manière systémique par l’université, tel par exemple que peuvent l’être, les ateliers GEASE (Groupe d’entraînement à l’analyse de situations éducatives) ainsi que des formations régulières pour pouvoir caractériser notre cadre de professionnel.

1.2.5.       Le cadre interne de l’animateur

Par « cadre interne de l’animateur », nous entendons les éléments lui permettant de participer activement à la création d’un cadre sécurisant et valorisant pour les participants. Si ces éléments sont clairs :

     L’animateur se doit de se sentir légitime, afin d’assurer une animation apaisée.

     Son expérience doit lui permettre de sentir la sincérité des propos échangés.

     Il ne doit pas être perturbé par le débat ou être égaré de sa fonction par des avancées philosophiques qui lui seraient propres. En effet, ces éléments peuvent constituer un empêchement au recul et à la disponibilité nécessaires.

La capacité d’enthousiasme à la parole des participants est une nécessité. Cet enthousiasme est la clé de la validation de la parole de l’enfant, de la notification de l'avancée du travail de la communauté de recherche.

Un “savoir se taire de l’animateur” peut aussi laisser la place, tant à une réflexion individuelle permise par un temps de silence qu’à la prise de parole d’un participant plus timide.

Enfin, le dernier aspect qui permet l’utilisation de l’adjectif philosophique est la rigueur imposée dans le déroulement de la pensée de chacun et de tous. Cette rigueur est bien sûr étroitement liée au cadre de l’atelier, mais elle prend vie par la parole et les silences de l’animateur qui sont l’expression de son propre cadre interne.

 

Malgré l’importance majeure de ces éléments, il nous semble difficile d’en déterminer un chemin d’apprentissage univoque et globalisable. Si des cours de philosophie ou l’obtention d’un diplôme peuvent aider, par exemple, à se sentir plus légitime, c’est bien l’histoire individuelle de chacun des animateurs qui va construire ce cadre.

1.2.6.       Le cadre pratique

La plupart du temps, le cadre de la parole mis en groupe rencontre un préexistant qui est l’ensemble de l’histoire des enfants et de leurs interactions. Jalousie, amitiés, amour, désir, inimitiés sont déjà présents avant les premiers mots. Les enfants vont donc créer et affronter des évènements dont l’animateur n’a aucune idée. Pourtant, c’est lui qui, dans cet environnement, doit assurer par son autorité les rapports nécessaires au fonctionnement.

Il existe, selon nous, trois éléments qui sont nécessaires au cadre pratique d’un groupe de parole d’enfants : la sécurité, la gestion des incivilités et la responsabilité. Comme nous allons le voir, de manière plus spécifique dans un atelier philo, ces trois éléments ont pour but de permettre l’expression de la sincérité.

1.2.7.       La sécurité

Pour parler, l’enfant a besoin d’un sentiment de sécurité. Il conviendrait donc d’interdire les attaques personnelles et les jugements de valeur sur la personne d’un des participants. Pourtant certains philosophes qui se veulent armés d’un marteau faet dans la découverte de la nudité du roi, l’enfant du conte de Hans Christian Andersen, Les Habits neufs de l'empereur, fait fi de l’intimité de celui-ci pour faire découvrir une vérité qui amènera chacun devant sa propre incapacité « à voir ce qui se passe ». La vérité, n’est-elle pas ici d’une grande violence ? La recherche de sécurité ne nous semble donc pas à proprement parler philosophique et peut même être une ennemie si elle vient empêcher la vérité. Philosopher peut donc avoir à être accompagné d’un certain inconfort et du désagrément lié à la confrontation et au questionnement. Mais celle-ci doit être philosophiquement justifiable. C’est par la nature de l’intention de celui qui parle ou questionne que l’on peut déterminer la valeur philosophique de la parole qui pourrait être malheureusement perçue comme blessante. Si cette intention semble sincère et absente d'agressivité personnelle, l’animateur doit faire en sorte que cet aspect soit la base d’un ressenti qui protège tous les participants. Par exemple par une reformulation qui permet de baisser le caractère violent du propos ou de la question. Si au contraire, l’intention est ressentie comme individuellement et inutilement hostile, si elle donne l’impression qu’elle est de blesser, alors nous la condamnons, ou pour le moins la questionnons-nous du point de vue philosophique. Afin d’éviter ce risque, nous demanderons aux enfants d’user de généralisation en usant du “nous” ou du “on”. Nous ne prendrons le risque de la question introspective utilisant le “tu” qu’avec précaution et que lorsque celle-ci nous semble indispensable ou pour le moins véritablement éclairante.

1.2.8.       Les incivilités

La parole est située dans un cadre, ce cadre est constitué de contraintes (respect de la parole des autres, rester assis sans faire de bruit, ne pas parler à son voisin, parler poliment…), il est donc tout à fait possible de déroger à ces règles. Certains vont même venir dans cette intention. Si l’atelier est à la marge de l’institution (comme les « ateliers moulins ») et sans la présence d’un représentant de l’institution, ils représentent un lieu d’expérimentation où, de plus, la recherche de limites semble pouvoir se faire avec un faible risque de sanction.

Les incivilités ou écarts de conduite ne sont effectivement que rarement sanctionnés par les animateurs d’atelier philosophique pour enfants et adolescents. Cependant, la nature de l’atelier peut faire prendre un autre risque au déviant. Ce risque est celui de l’interrogation sur les motivations de ses actes. La communauté de recherche peut alors devenir un lieu de conscientisation à haut risque pour le “contrevenant”. Dans une situation idéale, si la posture en observation peut être intégrée au débat comme élément venant nourrir la question, nous tenons là un élément de réflexion de haute valeur. Mais parfois, effectivement, il n’y a pas d’autre solution que de faire après plusieurs demandes une dernière demande d’exclusion. L’intervention du tiers institutionnel dans le cadre est activée par la demande de ne pas permettre le retour des participants incriminés la séance suivante (ils doivent sauter une séance) et seront bloqués à la vie scolaire. Cette situation, qui peut sembler un échec, n’en est parfois pas un et les participants exclus, s’ils ne sentent pas d’inimitiés, reviennent toujours lors de sessions ultérieures durant lesquelles malheureusement si, la situation initiale peut parfois se reproduire, elle n’a rien de systématique.

1.2.9.       La responsabilité

La responsabilité est celle de chacun. Chacun est responsable de son silence ou de sa demande de prise de parole. En utilisant la question au groupe, comme élément de base de sa communication, l’animateur va replacer les participants dans une position de coresponsabilité qui est nécessaire au fonctionnement lucide de chacun. Par exemple, l’animateur peut interroger le groupe sur d'éventuelles dérives de la discussion, si le sujet de départ ne semble plus être celui débattu au lieu de simplement le signaler.

Même sur le plan de la démarche philosophique, grâce encore à cette posture interrogative, l’animateur peut partager sa responsabilité avec l’ensemble de la communauté de recherche. Mais ne nous leurrons pas outre mesure, le questionnement ne désamorce pas à lui seul certains comportements comme celui qui consiste à faire entendre le discours que l’on pense attendu. La responsabilité de l’animateur est alors de permettre, rechercher et valoriser la sincérité des échanges pour éviter ces comportements. Il est certain que plus le cadre est coercitif, plus les participants sont tentés de proposer une parole telle que supposée souhaitable, afin de ne pas avoir “d’ennuis”. Ou au contraire de se placer dans une posture de transgression ou/et de provocation. La responsabilité des jeunes ne peut être réclamée, à travers l’expression de leur sincérité, que si ceux-ci sont en situation de pouvoir l’être, sans avoir à l’être et font le choix de l’être. Nous retrouvons là la nécessité d’un cadre sécurisé.

1.2.10.   La sincérité

Classiquement, le cadre de l’atelier philosophique n’interdit pas la transgression, ne la valorise pas, n’exige ni présence, ni parole, ni silence, ni position prédéterminée. Il en est de même ici. Cependant, le cadre Moulin permet, à travers des tentatives et des expérimentations tant de postures que de pensées, l’expression d’une plus grande liberté. Le cadre est alors le cadre du « libre arbitre » de chacun et de tous. Cadre de liberté, il crée une responsabilité individuelle et collective : responsabilité de ceux qui parlent, de ceux qui se taisent, de ceux qui partent et de ceux qui restent. La responsabilité de la recherche d’une sincérité nécessaire à la philosophie. Par exemple, les participants durant une séance sont invités tour à tour à faire le plus de bruit possible ou à monter sur les tables, pour expérimenter ce que cela change et l’un deux exprime : ” Monsieur, debout sur la table je vois votre calvitie ! ” prouvant ainsi par l’expérimentation que l’accès à une position donne l’accès à une connaissance.

1.2.11.   La conceptualisation du cadre réel

La conceptualisation du cadre agissant durant l’atelier pourrait être basée sur une modélisation de l’ensemble des paramètres qui le composent. Ce tour d’horizon rapide montre la complexité d’un tel exercice. Liée à la personnalité de l’animateur, à la réglementation du lieu d'accueil, à l’institution et à la méthode utilisée et il est aussi fortement dépendant de l’intention éducative des institutions. Devant cette complexité, le cadre réel déclaré est souvent défini en premier lieu comme lié à une méthode ou à un mixage de méthodes mis en œuvre : Type Lipman (M. Lipman), Atelier AGSAS (J. Lévine), CRP (E. Chirouter), DVDP (M. Tozzi), S.E.V.E. (F. Lenoir), Réfutation socratique de l’École Belge, Atelier à partir d'œuvre littéraire (Edwige Chirouter) ... Mais dans la réalité, le cadre conceptuel émerge pour chaque animateur de son expérimentation. Il se construit des difficultés et des enthousiasmes rencontrés. Les situations ne sont analysables qu’après avoir été vécues, leurs complexités empêchant la modélisation.

C’est donc de l’expérience vécue et ressentie que peut émerger la conceptualisation du cadre de terrain. Il n’est donc pas surprenant que la plupart des travaux de réflexion sur ce sujet fassent un appel massif aux propos échangés par les participants. L’histoire de ces échanges tels que dits, pouvant passer pour un élément anecdotique, “une parole d’enfant”, sert alors d’élément de transmission afin de raconter l’expérience entre animateurs dans le but d'établir une phénoménologie de l’atelier philosophique tant des participants que des animateurs.

1.3    Le terrain et la méthode d’enquête

L’enquête de terrain que nous avons menée est constituée de deux éléments. Le premier élément est un questionnaire, le second l’enregistrement et l’étude d’une séance de l’atelier. Le questionnaire est constitué d’une série de questions fermées et ouvertes sur le ressenti durant l’atelier avec un focus particulier sur la sensation et les effets tant sur la pensée que sur les impacts du cadre que nous avons défini comme “aucune obligation de présence, aucune obligation d’heure d’arrivée ou de départ entre 12h30 et 14h et aucune obligation de placement”. Ce questionnaire est complété d’une liste de mots que les participants peuvent sélectionner ou pas, pour caractériser les ateliers moulins.

 

La séance pratiquée dans le cadre d’un atelier moulin, dont le titre est “Qu’est ce qui m’aide et m'empêche de penser ?”, sera filmée à fin d'analyse.

1.4    La problématique

Le cadre de l’institution scolaire, qui nous a contraints pour exister, à ne plus avoir un cadre horaire identique pour tous les participants, a d’une certaine manière créé un contre-cadre. Ce cadre des ateliers moulins entraîne des répercussions multiples, sur le dispositif de questionnement, sur la perception par les participants, la direction et même les salariés de l’institution. Il est notable que le fonctionnement de l’atelier ait posé un problème à certains professeurs cette année. Ils se sont plaints du fait que des élèves (les participants à l’atelier Philo) traînaient dans les couloirs pendant la pause méridienne. Cela a obligé la direction à me relocaliser dans la salle la plus proche de la cour de récréation, limitant ainsi la distance à parcourir dans les couloirs et à distribuer un passeport Philo aux élèves, de manière à faire preuve de la cohérence de leur présence dans les couloirs. Le couloir devenant alors une zone frontière sous contrôle de la direction (où il faut pouvoir présenter ses papiers). C’est sur les effets de ce cadre que nous allons nous interroger afin de répondre à la question : quelle influence l’utilisation d’un cadre aux horaires ouverts a-t-elle sur la perception des élèves, sur le déroulé et les conséquences de l’atelier philosophique ?

2   ÉTAT DE L’ART

2.1    Le rôle du cadre

François Galichet dans son ouvrage “Pratiquer la philosophie à l’école“ déclare au sujet du cadre Galicher, 2004, P.4) : ”Il est donc capital d’adopter une disposition – en cercle, en carré ou en rectangle”, “l’expérience montre que le nombre idéal pour une participation maximale de chacun est entre 12 et 15”, “l’expérience montre qu’une durée de vingt minutes en cycle 1, une demi-heure en cycle 2, trois quarts d’heure en cycle 3 est raisonnable.”. D’une manière générale, le cadre est pensé dans les ateliers philosophiques comme un espace devant engager à la discussion et au calme.

2.2    La philosophie sociale et les ateliers Intermèdes Robinson ou l’intégration du cadre comme preuve du partage de responsabilité entre les présents

Laurent Ott est Docteur en philosophie. En tant que travailleur social et directeur de l’association Intermèdes Robinson, dont un des buts est de porter la culture dans les lieux de vie des familles en situation de précarité, il s’interroge sur les moyens possibles à mettre en œuvre et donc aussi sur le cadre et son adéquation à la mission éducative. Il déclare que : “Freinet postule que les buts de l’éducation ou du travail social ne peuvent être déconnectés des moyens que nous employons pour y parvenir. Pour le dire autrement, nous ne pouvons faire advenir quelque chose que nous ne mettons pas en pratique ici et maintenant. “ (Ott, 2009, p. 11). Si nous étudions d’un peu plus près les conditions données par Ott pour qu’un atelier philosophique puisse être considéré comme de philosophie sociale nous en trouvons deux : ” La caractéristique essentielle de ces pratiques est de reposer sur un principe d’inconditionnalité et de participation. On travaille avec tous ceux qui viennent …”, “ Une seconde caractéristique de ces pratiques [est qu'elles] se présentent comme durables, gratuites et qu’elles reposent sur la libre initiative de ceux qui y participent ” (Ott, 2009, p. 25). Le but de cette posture est d’éviter de se focaliser sur ce que L. Ott appelle “l’idéalisme” il déclare : “ Si nous rentrons dans nos métiers … à partir de l’idéalisme, alors, on risque, c’est juste un risque, de passer notre temps à mesurer l’écart entre ce qu’il faudrait et ce que l’on voit. “ (CRDE [Centre de Ressources en Éducation de l’Enfance], 2021, 0:02:58). Si nous devions synthétiser cette pensée, il nous semble que cela pourrait être : Eduquez, avec les moyens que vous avez, là où vous êtes, en acceptant les enfants comme ils sont. Il dénonce dans cette même captation, un autre biais : “le naturalisme”. Il définit le naturalisme comme un ensemble de norme : “Un enfant de 6 ans, ça doit être capable de faire comme ça, par contre il n’a pas le droit de faire tout un tas de choses qui ne sont pas de son âge.” (CRDE [Centre de ressources en éducation de l’enfance], 2021, 0:05:13). Le naturalisme est une référence à ce qui serait “la nature “ de l’enfant. Ainsi, parce que c’est un enfant et que sa nature est d’être irresponsable, on se doit de le protéger de tous les dangers. Laurent Ott pense que c’est ce qui va permettre des dérives. Il déclare : “Si l’on protège l’enfant par rapport à une situation ; et bien là oui, on est dans un rôle éducatif. Mais si l’on protège un enfant par rapport à son statut, là on est toujours prêt de l’abus” (CRDE [Centre de ressources en éducation de l’enfance], 2021, 0:10:40). Il s’agirait donc de ne pas suspecter de nature préalable à la personne de l’enfant, de lui considérer la possibilité d’être indépendamment d’une représentation culturellement induite. En conclusion, Laurent Ott, nous proposerait d'interagir avec les enfants dans un but éducationnel sans parti pris sur ce qu’est un enfant et sans rechercher la création d’un environnement idéal, mais en s’adaptant dans un système: “d’éducation non formelle” (CRDE [Centre de ressources en éducation de l’enfance], 2021, 0:21:00) qu’il nomme « pédagogie sociale » qui serait animé par la notion de “matérialisme”; “Le matérialisme, qui serait partir de la famille telle qu’elle est, de l’enfant tel qu’il est, de la réalité qui est là… .C’est-à-dire m’adresser à l’enfant … comme à un véritable interlocuteur digne et valable avec lequel je peux discuter du sens même de ce que je mets en œuvre avec lui.” (CRDE [Centre de ressources en éducation de l’enfance], 2021, 0:26:42).

Dans les “ateliers de rue” de Intermèdes Robinson, association dans laquelle œuvre L. Ott, nous sommes hors des murs d’une institution. L’institution est définie comme “ … un milieu que l’on a appauvri au point qu’il ne s’y passe plus que ce que l’on a décidé ”au contraire de la réalité qui est défini comme une situation que l’on ne maîtrise pas et où il arrive toujours quelque chose, dont on va pouvoir s’emparer ou non.” (CRDE [Centre de ressources en éducation de l’enfance], 2021, 0:43:00) ; De la même manière, les ateliers ne sont pas régis par des programmes car si le programme est nécessaire dans les lieux d’éducation institutionnel, hors institution, dans les ateliers Intermèdes Robinson, L. Ott déclare : “Chez nous, il n’y a pas de programme … parce qu’il se passe toujours quelque chose” (CRDE [Centre de ressources en éducation de l’enfance], 2021, 0:48:25). Le travail de l’animateur est alors d’accepter de ne pas maîtriser l’environnement pour pouvoir accueillir, rebondir et bâtir dessus.

Cependant, il est important de se rendre visible en amenant un signe qui signale la proposition du matériel ou simplement l’information permettant de montrer une régularité qui permettra par la mise en situation répétée une véritable éducation.

2.3    Un cadre avec lequel on joue pour se libérer

Hors des travaux de "philosophie sociale" théorisés par Laurent Ott, il est difficile de trouver des expériences précédentes d’ateliers philosophiques où l'on va “casser” le cadre et en observer les effets, c’est dans le domaine de la psychologie et la psychiatrie que ce type d’expérience et d'interrogation nous a semblé le plus faire trace et que l’on cherchera de préalables expériences ayant donné lieues à publication. L’on pourra nous opposer que les enfants des ateliers philosophiques n’ont pas à être considérés comme des “malades” et que cette comparaison avec des thérapies est déplacée. Pour défendre notre comparaison nous citerons Georges Canguilhem déclarant dans « Le normal et le pathologique » : “ Il n'y a pas de pathologie objective. On peut décrire objectivement des structures ou des comportements, on ne peut les dire "pathologiques" sur la foi d'aucun critère purement objectif. Objectivement, on ne peut définir que des variétés ou des différences, sans valeur vitale positive ou négative.” ; ou pour faire plus direct : ” Il n'y a pas de fait normal ou pathologique en soi.” (Canguilhem, 1943, p. 91).

Jean-Pierre Mendiburu décrit la thérapie par les groupes de parole gestaltiste en psychothérapie clinique comme dangereuse et le cadre comme une protection. Mais il parle là du cas général tel qu’habituellement défini, toutefois dans sa pratique, il n’en va pas de même. Il déclare : “Dans l’intervention gestaltiste, le cadre a pour fonction exclusive d’amener et de tenir le client en équilibre dynamique entre son ressenti de l’instant et la relation existentielle avec le thérapeute (Je-Tu de Buber). La fonction du cadre est de favoriser l’expression forte et juste, en particulier l’expression préverbale (cris, expressions corporelles, etc.). Au cours de ce processus, c’est le cadre qui est « négativé » autant que faire se peut pour laisser la place aux interruptions de cycle d’origine intra-psy-chique ; le cadre n’apparaît que pour contenir les risques réels. Dans l'aire de jeu délimitée par ce cadre, les règles de vie habituelles n’ont plus cours ; elles sont remplacées par celles d’un « as if », où le symbolique peut être agi, avec une implication émotionnelle exacerbée et une gratuité totale par rapport aux conséquences réelles. » (Mendiburu, 2003, p. 1)Si le cadre est donc dans le cas général une protection et donc un conteneur défini par un ensemble de règles ayant pour but d’éviter des phénomènes dangereux ou destructeurs, il ne faut pas oublier que le cadre est aussi un espace de jeu, un bac à sable. Où les règles habituelles peuvent être remplacées par celles d’un “Comme si” qui est alors l’expression de ce que Jean-Pierre Mendiburu définit comme un talent. Un talent qui serait celui de “permettre”, “s'autoriser”, “se risquer à” sans pour cela rompre le lien.

De même dans son article “La souplesse du cadre", le Docteur Alain Delourme rapporte le cas de Lucie pour lequel la souplesse du cadre est un élément déterminant : “Lucie a cette particularité de ne jamais s’asseoir aux endroits prévus. Jamais elle ne se place sur le divan, que ce soit en position allongée ou assise, jamais elle ne se positionne dans un des fauteuils mis à sa disposition. Après avoir hésité quelques instants debout, en oscillant d’une jambe sur l’autre, prenant le temps de sentir ce qui est juste pour elle, elle va généralement s’asseoir à même la moquette soit juste derrière la porte d’entrée (ou de sortie, selon l’interprétation qu’on veut en faire) soit contre le divan, soit entre le praticien et la fenêtre. Interrogée sur ces choix singuliers, elle dit que pour elle, il est particulièrement important d’une part de ne pas faire comme les autres et d’autre part de ne pas toujours faire pareil.” (Delourme, 2003, p. 32). Il semble donc que la mise en place de cadre à la structure “libérant celui qui doit parler”, représente pour certains psychothérapeutes un préalable nécessaire. C’est ce type de cadre que nous allons étudier dans la prochaine partie. Nous rechercherons aussi à justifier, pourquoi et en quoi ce type de cadre peut être utile dans l’atelier philo.

3   NOTRE EXPÉRIMENTATION

3.1    Le cadre “moulin”

3.1.1.       Un cadre d’éducation formelle, informelle ou non formelle ?

Les activités éducatives sont généralement regroupées sous trois appellations : éducation formelle, éducation non formelle, et éducation informelle. Il est bien difficile de donner des définitions fermées de ces trois nominations : “Beaucoup de tentatives pour donner au triptyque formel, non formel, informel, une armature conceptuelle cohérente, se sont heurtées à l’hétérogénéité des disciplines de référence. ” (Garnier, 2018, p. 71).

Afin de pouvoir réfléchir à une caractérisation des ateliers moulins, nous proposons les définitions d’enseignement formel et d’éducation informelle suivantes, issues de la documentation proposée par l’Unesco sur leur site : (Unesco & Glossaire, s. d.).

L‘enseignement formel y est défini comme un “Enseignement institutionnalisé, volontaire et planifié au travers d’organismes publics et d’entités privées reconnues qui ensemble constituent le système éducatif formel d’un pays. Les programmes d’enseignement formel sont donc reconnus en tant que tels par les autorités nationales compétentes pour l’éducation ou des autorités équivalentes.”

L’enseignement non-formel est défini lui comme un “ Enseignement institutionnalisé, volontaire et planifié par un prestataire d’éducation. La caractéristique principale de l’enseignement non formel est qu’il constitue un ajout, une alternative et/ou un complément à l’enseignement formel dans le processus d’apprentissage tout au long de la vie des individus. Il est souvent offert afin de garantir le droit d’accès à l’éducation pour tous. Il s’adresse à des individus de tous âges mais ne se structure pas nécessairement sous la forme d’un parcours continu ; il peut être de courte durée et/ou faible en intensité et il est généralement dispensé sous la forme de programmes courts, d’ateliers ou de séminaires.”

Au sujet de l’éducation informelle, Bruno Garnier nous déclare : “Ce qui la distingue de toutes les autres modalités d’éducation, c’est que l’éducation informelle comprend des contenus étroitement liés à la vie de la société et des individus, et en rapport avec des phénomènes sociaux et naturels, variés et variables. Cette « forme » éducative comprend l’idée d’un processus continu, d’un renouvellement de ses contenus, d’un processus permanent d’éducation.” (Garnier, 2018, p. 80).

Les ateliers moulins peuvent être considérés comme participants de l’éducation non formelle pour leur cadre et leur organisation en atelier. Cependant par leur nature qui traitent bien de “contenus étroitement liés à la vie de la société et des individus, et en rapport avec des phénomènes sociaux et naturels, variés et variables, ils seraient alors à classifier comme un système d’éducation informelle. Mais cela est finalement plus lié aux nombreuses questions socialement vives qui sont traitées qu’à la nature du cadre ou même philosophique des ateliers. Nous retrouvons là, la problématique soulevée par Bruno Garnier : “... le non-formel ayant alors le statut d’un savoir informel transmis d’une façon intentionnelle.” (Garnier, 2018, p. 71)

3.1.2.       Le cadre “moulin”, un cadre déconcertant à résoudre qui questionne

Si le cadre “moulin” est libérateur, il est aussi surprenant par sa spécificité. Un cadre convenu ne nous semble pas apte à déranger suffisamment nos habitudes pour s’autoriser à penser. Ici, pas d’arrivée en retard ou de départ en avance. Pas d’obligation d’inscription ou d’engagement à venir à l’année. Cependant, pour celui qui vient et reste, le lieu se veut provocant. Les règles sont ici différentes et parfois inverses à celles qui existent ailleurs dans l’établissement.

     Il est d’usage d’arriver sans dire bonjour, pour ne pas gêner ceux qui échangent et de partir sans dire au revoir, pour la même raison.

     On ne lève pas forcément le doigt pour prendre la parole.

     Les mots grossiers, s’ils sont utilisés avec sincérité, ne posent pas de problème.

     On peut utiliser son téléphone pour vérifier une information, voire pour un appel à une connaissance qui permet de la vérifier.

     On peut être anonyme ou porter un pseudonyme.

Ces règles ne sont pas données au début, mais sont rappelées si besoin. Les donner en début d’année a pu transformer autrefois les “ateliers moulins”, par exemple, en cabine téléphonique : ”Il parait que l’on peut téléphoner ici ?” demande une élève qui arrive avec le téléphone à la main.

C’est en cela que le cadre des ateliers moulins reste un cadre à résoudre, car il est à découvrir et d’une certaine manière à construire. Le but de ce cadre décalé et modifiable est évidemment de participer à un questionnement plus large : puisqu’il est possible de changer les règles ici, alors d’autres changements le seront, et cela vaut-il alors la peine de réfléchir à ces règles ?

3.1.3.       Une règle par exemple : La politesse c’est “de ne pas dire ni bonjour, ni au revoir”

Philosophiquement, il nous est apparu intéressant de demander aux participants de ne pas signaler leur arrivée, ni leur départ par des salutations. Venir et partir est la résultante d’un choix individuel dont le signalement à la communauté déjà présente est alors une lapalissade et une interruption dans sa recherche. Ainsi (sauf s’ils sont les premiers ou les derniers dans la salle), il leur est demandé de ne dire ni bonjour ni au revoir et de s’installer en silence. Ce renversement des habitudes nous semble amener à une meilleure position philosophique des participants. Déstabilisés par la demande qui leur est faite de rentrer sans se signaler, cela permet de renverser les règles habituelles de politesse tout en créant un cadre propre à l'atelier. C’est peut-être aussi une tentative de créer une sorte de rituel. Nous verrons plus loin dans le déroulé du dispositif comment sont gérées ces fluctuations constantes de population.

3.1.4.       La salle : Puisqu’il faut bien en parler

La salle porte en cette fin d’année le numéro zéro “0”. Ce numéro nous a semblé de bon augure : c’est l’endroit d'où l'on repart de zéro. Elle est conservée en l’état, car un cours d’anglais a lieu en suivant les ateliers. Les tables des élèves constituent deux U imbriqués l’un dans l’autre. Le bureau est placé sur le côté gauche en se tenant face au tableau. La salle est donc en état et le reste. Précisons que, par son aménagement, les élèves, s’ils utilisent les chaises, se font alors globalement face ou sont de trois quarts. Mais en fait, les règles de l’atelier moulin permettent de s’asseoir où l‘on veut : tables, chaises ou par terre et de rester debout, de se déplacer. Les élèves sont le plus souvent assis sur les tables.

3.1.5.       Les variations de population

La participation est extrêmement variée, 5 à 60 élèves peuvent passer dans une séance et nous aurons des moments sans élèves puis jusqu’à 20 élèves conjointement dans la salle. Des cours finissent ou démarrent à 13 h, il est courant qu’un seul élève (parfois aucun) soit présent pendant l’interclasse entre 12 h 55 et 13 h 05. Les conditions météo, les grèves d’enseignant, la qualité de l’affiche, la question proposée, la population déjà présente qui rebute le groupe arrivant et le pousse à repartir sans même entrer ou au contraire à rester, le nombre d’élèves présents dans le hall qui me voit arriver et rappelle que les ateliers philos sont ouverts, l'absence (malgré ma demande systématique) d’un message audio ou sa présence, sont des éléments que l’on peut penser comme raisons de cette variabilité.

3.1.6.       Comment l’animateur doit-il vivre ces variabilités de population ?

Par rapport à nos motivations, il nous apparaît primordial de considérer cette variabilité comme le signe d’un élément de liberté vécue. S’il est nécessaire d’informer, les participants ne doivent pas être encouragés à venir, à rester ou à partir. Questionné parfois sur le peu d’élèves présents l’animateur répondra, “Qu’ils ont sans doute mieux à faire ailleurs et qu’il faut s’en réjouir”, quand on nous interroge sur le fait qu’un très grand nombre d’élèves ont été présents : nous répondons simplement que : “Cela semble leur plaire et qu’il faut s’en réjouir”. Un certain détachement de l’animateur est aussi une manière de mettre le participant en situation de choix et donc, selon notre hypothèse, de responsabilité. La tentative de la création d’un cadre le moins coercitif et le plus affectivement neutre possible est une des conditions de la réussite de la mise en œuvre d’une pensée ouverte permettant la réflexion sur toutes les hypothèses, y compris les plus radicales. Pourtant, le cadre ne peut se penser comme désincarné. Il n’aurait alors plus de sens et l’animateur est là en tant qu’adulte pour impulser l’enthousiasme et la rigueur de ceux qui sont là pour chercher “Qu’est ce qui se passe … ?”. Et une fois la question posée, éviter que l’on s’empêche de penser par toutes les ruses que notre esprit a l’habitude d’utiliser ou qu’il subit pour échapper à cette activité.

3.1.7.       Un dispositif adapté aux ateliers moulins

La mise en place de dispositifs exigeant un temps d’installation, de type DVDP, par exemple, n’est bien sûr pas possible. Il n’est pas possible non plus d’avoir un temps long lié au partage d’un support de type film ou texte lu. L’atelier Moulin demande donc soit un support fixe comme une photo qui sera affichée en statique, soit un texte court comme une phrase écrite au tableau. Dans un atelier moulin typique, une affiche est confectionnée, elle sera affichée durant la semaine précédente dans l’établissement et dans la salle durant la séance. La phrase faisant office de sujet est le plus souvent une question qui, bien qu’écrite sur l’affiche, est recopiée au tableau. En préalable de l’atelier, il est possible pour les participants de se rendre sur un blog https://clubdiscussion.fr qui propose une introduction au sujet une semaine avant la séance.

Le dispositif est ensuite typiquement le suivant :

     12 h 25, une fois la salle préparée (affiche + question au tableau), nous allons demander à la vie scolaire de faire une annonce sur le fait que l’atelier philo est ouvert et le rappel de la question de la séance. D’autres appels seront parfois faits aux horaires de la sortie de cours suivante à 13 h.

     12 h 30, la salle est ouverte et j’attends des participants.

     Ensuite, une fois un participant au moins présent, nous commençons la séance par le repérage des mots-clés de la question et leur définition.

     Les définitions sont inscrites au tableau.

     Puis selon les définitions choisies, nous nous efforçons de traiter philosophiquement la question.

     À l’arrivée d’un groupe de participants, il peut se passer deux choses en fonction du nombre de participants dans le groupe arrivant et du nombre de participants déjà présents :

     Si le groupe de participants arrivant représente 50 % ou plus du nombre des présents, une pause est effectuée, interruption informative durant laquelle les travaux effectués sont présentés et remis en question. Par exemple, les définitions sont modifiées et complétées, et nous reprenons le cours du questionnement.

     Si le nombre des participants est supérieur à 8 élèves, que le questionnement avance bien et que le nombre de participants arrivant est inférieur à 50 %, il y a soit une très courte interruption informative, soit aucune interruption.

     L'interruption informative peut être menée par les participants si ceux-ci sont ceux qui ont généré l’information à transmettre soit par l’animateur qui assure alors un rôle de liaison entre les divers changements des participants.

 

Un autre type de dispositif peut être mis en œuvre à travers des phases courtes de récupération d’information (expérimentation, histoires personnelles, jeux…) répétées au fur et à mesure que les participants arrivent.

Par exemple, durant la mise en œuvre de tests de transmission de pensée (5 à 10 minutes), on représente la réflexion sur les résultats. Ou encore, durant le travail sur le rêve, un participant raconte un rêve, nous travaillons dessus pour en chercher la cause, d'autres participants arrivent en nombre et nous repartons alors sur un nouveau récit de rêve. On voit ici la partie importante d’improvisation nécessaire pour l’animateur.

Durant l’année scolaire 2023/2024, chaque semaine le jeudi et à partir du mois d’avril, le mardi, entre 12 h 30 et 14 h, l’atelier s’est tenu dans une salle de cours du collège du Lherm. Cette expérience pratique peut, nous en sommes convaincus, être une initiative qui donne lieu à des ateliers du même type dans de nombreux établissements. Le cadre des ateliers moulins et les dispositifs associés, même s’ils sont exigeants pour l’animateur, sont transmissibles comme d’autres méthodes.

3.2    Philosophicité des ateliers : à quelle condition la philosophie est présente dans les ateliers moulins ?

Un cadre ouvert, sans autre temporalité qu’une heure de début et de fin de séance, ne permet pas l’utilisation de dispositifs hyperstructurés. L’animateur ne pourra pas compter sur un dispositif rodé qui va s’accomplir devant des élèves captifs pour suivre des phases de conceptualisation, de problématisation, d’argumentation et d’interprétation qui sont les références habituelles de ce que l’on nomme la philosophicité. On peut donc s’interroger sur la manière dont on s’assurera de la présence de ces habiletés de pensée.

3.2.1.       Conceptualisation

Le dispositif “moulin” type démarre systématiquement par une phase de conceptualisation qui consiste à construire la définition des mots-clés de notre question. La question est ensuite reposée en remplaçant les mots-clés par leur définition. Ce sont les élèves qui proposent les définitions. La question réécrite est ensuite proposée aux nouveaux arrivants comme un objet à revalider. Il est possible de revenir dessus et de la modifier si les arguments sont convaincants et que les autres participants sont d'accord.

Nous trouvons un exemple de ce travail dans la séance “Quand on veut on peut ?”

-       Animateur - La question du jour, “Quand on veut, on peut ?”. Avant de commencer à répondre, on va essayer de s'interroger sur la question, c'est-à-dire savoir ce qu’elle veut dire. Donc, quels sont les mots importants ?

-       Paul - Quand et peut …

-       Autre élève - Pouvoir, vouloir …

-       Animateur - Ok, comment on peut définir “quand”

Les mots sont ensuite définis par les élèves pour arriver à la question suivante : “ Ce que fait l’I.A. il n’y a pas besoin d’apprendre à le faire ?” (Belbèze, 2024b, 0:00:00-0:16:25)

3.2.2.       Problématisation

Au-delà de la question de base, il n’y a pas de préparation spécifique dans le dispositif à la création par les participants de questionnements. La question de base doit donc amener à une problématisation. Cela est une des raisons pour lesquelles les questions socialement vives sont si courantes. Les participants vont questionner dans les cas suivants :

     Ils s’interpellent entre eux ? : ‘Le courage c’est ne pas avoir peur”’,” non, justement …” (Belbèze, 2024b, 0:13 :34-0:13:49)

     Ils questionnent l’animateur sur une question de connaissance générale ou de droit : “Monsieur, mais la politique et la philosophie, c’est pareil ?” (Belbèze, 2024b, 0:00:00-0:12:57)

     Le participant s’interroge lui-même : Habituellement, les affiches ont amené les participants à réfléchir préalablement aux questions. Dans la séance : Sommes-nous dans une simulation ? du 13 juin 2024 un participant déclare en arrivant : “ J’ai bien réfléchi : “Si l’on est dans une simulation, pour nous c’est pas une simulation, donc même si on y est, ben, on n’est pas dans une simulation.

3.2.3.       Argumentation

Les phases d’argumentation sont permanentes, qu’elles soient entre les participants ou pour répondre à des questions de l’animateur.

Les phases d’argumentations sont très nombreuses. Pour ne pas lasser, elles demandent un débat dynamique où l’animateur relance sans arrêt par des questions et s’assure que le sujet est bien l’objet de la discussion. Dans ce cadre, les prises de position radicales sont valorisées par un commentaire encourageant de l’animateur, car elles permettent des réactions et obligent à l’argumentation : “Je ne pense qu’à moi, je veux profiter“ (Belbèze, 2024b, 0:18:33).

3.2.4.                                             Philosophicité et cadre Moulin : un équilibre à la charge de l’animateur

L'absence de dispositif construit en étapes va demander afin de garantir une certaine philosophicité une écoute très attentive. C’est un équilibre délicat entre le contrôle de la validité philosophique des échanges et la liberté laissée aux participants. Peut-être aussi faut-il à l’animateur un goût pour l’improvisation, car si “il se passe toujours quelque chose“, ce quelque chose est généralement en partie de l’imprévu.

 

Des élèves observent l’atelier depuis la cour

C’est aussi en intégrant le “ce qui se passe ici maintenant” que l’animateur peut maintenir un contexte philosophique, comme en déclarant à un participant : “ Tu sais que tu viens de changer d’avis ?”. L’animateur doit pouvoir improviser et conduire l’atelier non comme on conduit un processus industriel en suivant des règles préétablies dans un environnement contrôlé, mais davantage comme la conduite d’un processus artistique dans un processus ouvert. De ce point de vue, l’animation d’atelier Moulin pourrait être à l’animation de dispositif précis, ce que la chasse au tigre est au tir sur cible.

Il y a pour cela quelques règles permanentes : ne pas sortir du sujet, ne pas omettre ce qui se passe durant la séance, rester donc en position méta, exiger des arguments et des exemples, mais tout en permettant une parole libre de ton et de débit. Bref, comme un pilote automobile durant un dérapage contrôlé, déraper, mais rester sur la route.

3.2.5.                                             Comment conserver l’attention par la tension

Des élèves observent l’atelier depuis la cour

Les ateliers moulins sont ouverts et les tentations sont nombreuses. Les élèves, depuis la cour, peuvent parfois appeler les élèves présents dans la salle de l’atelier. Une usure ou une perte de rythme peut enclencher un ennui qui va rapidement se transformer en départ pour certains élèves.

Comment faire alors pour maintenir l’attention et une tension suffisante, puisque l’on ne peut pas compter sur un dispositif qui se déroule avec des changements stratégiques dont le rôle est aussi d’éviter l’ennui. Une solution possible : questionner, questionner et encore questionner !

3.3    L’hypothèse

Notre hypothèse est que « Pour pouvoir être, il faut pouvoir ne pas être. C'est notre liberté qui nous rend responsables ». Pour véritablement choisir de ne pas couper et écouter ses camarades, il faut pouvoir couper la parole et la prendre sans la demander. Pour pouvoir choisir d’être là, il faut pouvoir ne pas y être.

La liberté de faire et de ne pas faire est un composant indissociable de l’exercice du choix. Contraints, mes actes ne sont ni mes actes, ni mes pensées. C’est en actant leur choix que les participants deviennent des êtres humains responsables.

Créée comme un contre-cadre, la position des ateliers moulins nous a interrogés tant du point de vue éducatif que philosophique. Si leur existence est liée à des contraintes matérielles, il n’en reste pas moins qu’ils sont le résultat d’un sentiment du possible de leur réalisation et du goût pour la liberté dont nous avons toujours fait preuve.

Le philosophe Alain Cugno écrit : “Que mettre, en effet, sous le terme de liberté ? La liberté de penser, et rien d’autre. […] Or les conditions de la liberté de penser sont nombreuses, complexes et difficiles et, pour tout dire, politiques. Elles vont en effet de la liberté d’aller et venir jusqu’à la mise à disposition de chacun des moyens de s’informer et de se cultiver ; de la possibilité de vivre décemment au sentiment que chacun peut donner à sa vie le sens qu’il entend.” (Cugno, 2005, p. 85). Notre objectif principal est de projeter la jeune personne vers l’adulte qu’elle choisit d’être. Pour cela, il s’agit de proposer/provoquer une activité de pensée critique dans un espace de « liberté » où chacun est devenu, pour le temps du jeu, adulte. La situation a été résumée ainsi par un participant : « Ici à douze ans, tu es majeur ! ».

La philosophie basée uniquement sur des évènements fictifs ou théoriques peut sans aucun doute nous permettre de penser ce que nous voudrions être, alors que l’affrontement au réel nous permet de mieux savoir qui nous sommes. C’est par la connaissance de ces deux bornes que l’enfant et surtout l’adolescent peut trouver les moyens de sa propre voie. Il conviendrait donc d’avoir tout à la fois les moyens de confronter au réel celui que nous désirons être comme celui que nous sommes et de mener sur ces expériences un travail philosophique pour avancer vers sa construction. L’adolescent aurait alors besoin d’une expérience réelle où il serait tour à tour l’adulte qu’il désirerait être et l’adulte qu’il est déjà en puissance. Les ateliers moulins, en donnant aux collégiens les libertés de comportement, de déplacement et de ton, habituellement limitées aux adultes, permettent cette double confrontation. L’activité philosophique est là pour créer un espace de métacognition signature d’un travail d’adulte autorisé et l’animateur adulte validant par son écoute active (parfois admirative) la situation du réel. La proposition se veut aller au-delà de la représentation de “l’interlocuteur valable” (Lévine, Chambard, Gostain, & Sillam, 2008, p. 153) pour aller vers celle d’un interlocuteur totalement pair, sachant et responsable.

 

Le cadre moulin constitué de la liberté d’aller et venir, de se comporter “As if “ ou comme si j’étais un adulte est alors un préliminaire nécessaire à une réflexion qui s'ancre dans le réel vécu de l’atelier en tant que personne autodéterminée.

3.3.1.       La liberté d’aller et venir

La liberté d’aller et venir serait donc une liberté nécessaire à la liberté de penser. Sans aller jusqu’à la question de la liberté totale de déplacement, la théorie de la “cognition incarnée”, un intérêt pour le corps en relation avec le monde, développé initialement par la phénoménologie nous pousse à penser que : “La perception de l’environnement découlerait naturellement des possibilités d’action (ou affordances) offertes par ce dernier qui sont elles-mêmes déterminées par les capacités d’action d’un individu (ou habilitées à agir)” (Magnon, Mille, Dutheil, & Vallet, 2021, p. 6).

Elle est en tout cas la condition nécessaire à la liberté de rester là, d’être-là. D’être-là par sa propre volonté dans une validation permanente de celle-ci donnée par la possibilité totale et permanente d’aller et venir. Pour cela il faut donc à la fois “un faire avec” les règles de l’institution scolaire et un “faire que” les enfants soient en position de responsabilité comme des adultes qui décident où être, quand y être et quand y aller ou en partir.

 

Dans les dispositifs d’ateliers philosophiques connus, la liberté individuelle s’exerce essentiellement pour les participants, par la possibilité de garder le silence ou de parler selon les conventions. La présence physique, elle est de fait sans une explication convaincante pour y déroger, obligatoire, de sorte que « l’élève a un corps qu’il amène à l’école, en même temps que son esprit » (Dewey, 2018, p. 225). Par exemple, dans les ateliers AGSA J. Lévine déclare : ” Il [le participant] est donc vécu comme un interlocuteur valable, ni enfant, ni adulte, mais être humain à égalité avec d’autres êtres humains, pour ce qui concerne son droit de penser.” (Lévine et al., 2008, p. 68). Quid du droit de circuler et de quitter ce lieu ? Ce que nous retrouvons dans l’article 13 de la déclaration des droits de l’Homme : ” Toute personne a le droit de circuler librement, et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État.

3.3.2.       “As if “ : mal me tenir comme si j’étais un adulte

Du point de vue éducatif, les ateliers moulins deviennent un lieu où il est possible, pour les enfants et adolescents de se conduire tel que “l’adulte qu’il voudrait être”. Les libertés de position : debout, assis sur une chaise, une table ou par terre créent un espace d’autodétermination. Un adulte ferait-il la remarque à un autre adulte de ne pas s'asseoir sur la table ? De même l’utilisation de mots grossiers, s'ils ne sont pas destinés à blesser une personne, ne fera en aucun cas l’objet d’une remarque. Une personne de l’établissement en reprendrait-elle une autre qui lâcherait un juron spontané. Certainement pas ? Il ne convient donc pas de le faire.

3.3.3.       Restons humbles

Mais restons humbles, l’atelier Moulin n’est un lieu ouvert que dans l’espace fermé qu’est le collège.

Si pour Joing et al, le collège est “un espace fragmenté en une diversité de lieux et d’usages” (Joing, Vors, Llena, & Potdevin, 2018, p. 21), les espaces dans le collège où il n’y a pas à être un élève au travail, sont rares. Traditionnellement, ils se cantonnent à la cour de récréation et aux toilettes de l’établissement. Ces deux emplacements ne sont d’ailleurs ouverts, comme la salle 0 des ateliers, que les uns par rapport aux autres. Il conviendra donc d’intégrer les conditions météo, le caractère parfois hostile de la cour de récréation et les odeurs de toilettes plus ou moins propres, dans le succès de la fréquentation des ateliers moulins. Un atelier peu fréquenté signifierait peut-être alors : une douceur de la météo, une cour où il fait bon être et des toilettes propres, ce dont il serait alors particulièrement bon de s’en féliciter. Mais qu’en est-il exactement pour les participants ? Les propos précédents sont bien théoriques et ne tiennent pas compte du ressenti des collégiens. Il nous est apparu important de réaliser une estimation de ceux-ci, nous avons pour cela utilisé un questionnaire à remplir librement.

3.4    Le questionnaire

 

En fin d'année, des questionnaires portant sur les ateliers philosophiques ont été proposés aux élèves. 17 questionnaires ont été récupérés sur environ 50 distribués. Ce sont ces questionnaires que nous allons étudier. Le questionnaire est constitué de trois parties :

     Une première page contenant des questions où la réponse est de 1 à 5, où 1 signifie absolument pas d’accord et 5 totalement d’accord, et les valeurs intermédiaires représentant un glissement de l’une à l’autre de ces positions.

     Une deuxième page constituée de questions ouvertes

     Une troisième page demande la sélection de mots liés au ressenti des ateliers.

Dans un premier temps, le questionnaire a été distribué avec la demande de le remplir à la maison et de le ramener ensuite. Seuls deux questionnaires me seront rendus. Durant les deux trois derniers ateliers, nous avons donc proposé aux élèves de les remplir, en parallèle de leur participation, en ajoutant que : “Cela n’est pas obligatoire, mais important pour moi !”. Une dizaine d’enfants refuseront et 15 questionnaires supplémentaires me seront rendus. Sur les 17 rendus au total, un seul portera le nom de l’élève, 12 porteront des pseudos et 4 seront anonymes.

3.4.1.       Première partie du questionnaire : les questions fermées

 

Pour chaque question, nous présentons la question, la moyenne des valeurs choisies (entre un et cinq où 1 signifie absolument pas d’accord et 5 totalement d’accord) ainsi que l’écart type. Afin de simplifier la lecture des notes, nous avons aussi calculé une note sur 10 pouvant aller de 0 à 10.

3.4.1.1.  Fonctionnement et horaire

Fonctionnement et horaires

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Je préfèrerai un groupe fixe sur des horaires définis

10

1

5

0

1

1,9

17

1,2

2,2

Je pars de l’atelier facilement

1

 0

2

2

12

4,4

17

1,8

8,5

La liberté d'aller et venir dans l'atelier empêche de parler librement

8

1

3

1

2

2,2

15

1,4

3

Je ne me sens pas vraiment libre d’arriver, de rester, de parler et de partir quand je le veux

7

2

 

4

1

2,3

14

1,6

3,2

J’éprouverais autant de plaisir si j’étais obligé de participer

3

5

3

1

4

2,9

16

1,9

4,7

 

La première question obtient une réponse claire avec une moyenne de 1.9 /5 et une note de 2.2 /10. La réponse est négative. Le fonctionnement des ateliers ne pose pas de problème pour la majorité des participants ayant répondu. Même si un participant déclare que cela ne lui convient pas et qu’il préférerait des ateliers avec horaires fixes. Nous y reviendrons.

La grande majorité des participants quitte l’atelier facilement. Cependant que la liberté d’entrer et de sortir, si elle n’est pas gênante pour la majorité, semble parfois et pour certains perturber davantage. Si l’on se réfère à la partie trois du document, sur la sélection des mots, le mot « chahut », bien que sélectionné par seulement deux élèves et un troisième ayant précisé par une note que le mot n’était sélectionné qu’à moitié, nous devons noter que le départ et l’arrivée de groupes d’élèves peut perturber la discussion et est régulièrement un moment propice au chahut. Enfin les réponses à la dernière question : « J’éprouverais autant de plaisir si j’étais obligé de participer » sont particulièrement équilibrées : avec une note moyenne d’adhésion de 3,9/5 et un écart type de 1,9, les résultats ne permettent pas de dégager un sentiment général.

3.4.1.2.  Prise de parole

La prise de parole

1

2

3

4

5

µ

NB Ré.

σ

Note /10

Parois, je veux parler et je n’arrive pas à avoir la parole

7

1

7

0

1

2,2

16

1,3

3

Il faudrait que tout le monde ait le même temps de parole

6

4

4

2

1

2,3

17

1,1

3,2

C’est un élève qui devrait donner la parole

13

4

0

0

0

1,2

17

0,5

0,6

 

Les questions sur la prise de parole nous intéressent particulièrement. En effet, la prise de parole se fait directement sans la demander tant que le groupe est suffisamment fonctionnel. En cas de « chahut ou de bavardage », le groupe est alors ramené d’abord au calme par une injonction, ensuite les règles peuvent changer pour demander la parole en levant le doigt ou la main de manière traditionnellement scolaire.

Les réponses à la première question nous permettent de nous rassurer : avec une moyenne de 2,2/5, les élèves ne se sentent pas empêchés de prendre la parole. Nous devons toutefois noter qu’un élève déclare au contraire que cela lui arrive. Même si la moyenne à la seconde question « Il faudrait que tout le monde ait le même temps de parole » est légèrement supérieure, ce qui montrerait une adhésion supérieure, le résultat reste globalement négatif. La dernière question de ce chapitre, « C’est un élève qui devrait donner la parole », reçoit une réponse claire : Non.

3.4.1.3.  Les sujets

Sujets

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Les sujets sont intéressants

0

0

1

6

9

4,5

16

1,2

8,8

Je voudrais proposer des sujets mais je n’ose pas

8

3

3

2

2

2,3

18

1,3

3,2

Des sujets mon mis mal à l’aise

13

2

1

1

0

1,4

17

0,6

1

Parler de certains sujets m’a aidé à être moins stressé

6

3

2

3

3

2,6

17

1,7

4,1

Je pense que l’on ne peut pas parler de tout dans l’atelier

8

1

4

2

2

2,4

17

1,4

3,4

 

Bien que notre dossier traite du cadre des ateliers, il nous est apparu que certaines questions sur le sujet pouvaient être justifiées. Deux tendances claires semblent se dessiner. Les sujets sont intéressants et ils n’ont pas mis les participants mal à l’aise. Cela est directement lié au cadre par les ambiances qui en découlent. De plus, comme nous l’avons vu, la faiblesse du dispositif impose des sujets qui portent déjà en eux une part de problématisation afin de faciliter le questionnement.

3.4.1.4.  Liberté de parole

Liberté de parole

1

2

3

4

5

µ

NB Rép

σ

Note /10

Je me sens toujours libre de dire ce que je pense

2

0

1

5

8

4,1

16

1,8

7,7

Parler chacun son tour est pénible, je voudrais pouvoir couper la parole

13

1

1

0

1

1,4

16

0,8

1,1

Je m’empêche de dire des choses pour ne pas blesser mes camarades

7

1

3

3

2

2,5

16

1,5

3,8

 

La première question « Je me sens toujours libre de dire ce que je pense » avec une moyenne de 4.1 semble indiquer que le sentiment de liberté est bien présent dans la prise de parole comme nous le souhaitons. Avec une moyenne de 1,4/5 à la deuxième question « Parler chacun à son tour est pénible, je voudrais pouvoir couper la parole », nous percevons que le mode de prise de parole semi-libre (Il n’est pas demandé de lever la main pour prendre la parole, mais la prise de parole peut faire l’objet de notre régulation) semble parfaitement convenir à la majorité.

La réponse à la troisième question sur le tact : « Je m’empêche de dire des choses pour ne pas blesser mes camarades » est plus floue, 70 % des participants répondent Non ou plutôt Non et 30 % Oui ou plutôt Oui, la réponse n’est pas clairement tranchée.

3.4.1.5.  Où est-on ?

Liberté de parole

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

On est à l’école, on ne peut pas tout dire et parler de tout

2

2

3

4

4

3,4

15

1,6

6

On n’est pas à l’école dans l’atelier on peut tout dire et parler de tout

6

3

2

1

4

2,6

16

2,0

4,1

 

C’est dans les réponses aux deux questions suivantes qu'apparaît le plus grand trouble : « Est-on au collège ou pas ? ». Les questions contiennent un présupposé qui est « qu’au collège, dans sa fonction d’élève, on ne peut pas parler de tout aussi librement que dans la sphère privée ». Les réponses sont pour le moins distribuées et l’écart type de 2 nous montre que l’atelier n’est ni à l’école ni pas à l’école. Nous retrouvons peut-être ici l'ambiguïté sur la difficulté à qualifier notre activité entre éducation non formelle et éducation informelle.

3.4.1.6.  Philosophie

Philosophie

1

2

3

4

5

µ

NB Rép

σ

Note /10

Il me semble que je comprends ce qu’est la philosophie

2

0

6

3

6

3,6

17

1,9

6,6

Faire de la philosophie est amusant

0

1

3

4

9

4,2

17

1,6

8,1

Faire de la philosophie est intéressant

0

0

3

4

10

4,4

17

1,5

8,5

Faire de la philosophie me rend plus intelligent

2

2

2

6

4

3,5

16

1,6

6,3

Faire de la philosophie ne sert pas à grand-chose, je viens seulement quand il fait froid

13

2

1

 0

1

1,5

17

0,8

1,2

J’ai compris des choses durant les ateliers que je n’aurais pas compris autrement

2

0

3

4

8

3,9

17

1,9

7,4

Je prends plaisir à faire de la philosophie dans l’atelier

0

2

4

4

7

3,9

17

1,8

7,4

 

La question la plus représentative (celle dont le σ ou écart type est le plus petit) est celle sur le sens de la philosophie et le fait de ne venir que quand il fait froid. Avec un résultat de 1,5/5 et un écart type de 0,8, les collégiens ne viennent pas pour se réchauffer. Faire de la philosophie est amusant et/ou intéressant pour une majorité et une majorité y prend plaisir. Quant à mieux comprendre ce qu’elle est, même si la moyenne des réponses est plus basse, nous pouvons convenir qu’il y a eu pour certains le sentiment d’un mieux. Nous reviendrons en détail sur le score de la question portant sur l'intérêt de la philosophie. En effet ce score élevé nous permet d'émettre une hypothèse sur la place du cadre des ateliers dans la représentation de la place de la philosophie : Pourquoi est-il intéressant dans le sens de rentable de faire de la philosophie ?

3.4.1.7.  Apprentissage

Apprentissage

1

2

3

4

5

µ

NB Rep.

σ

Note /10

Je suis plus à l’aise pour argumenter ou expliquer ce que je pense

1

1

9

4

2

3,3

17

1,0

5,7

Il me semble que j’écoute avec plus d’attention mes camarades

2

0

8

3

3

3,3

16

1,3

5,8

Je suis plus à l’aise pour conceptualiser ou parler plus en général

3

0

6

5

3

3,3

17

1,4

5,7

Je suis plus à l’aise pour problématiser ou aller vraiment sur le point qui pose question

3

1

3

3

6

3,5

16

2,0

6,3

Je suis plus à l’aise pour parler en public

4

1

5

4

3

3,1

17

1,5

5,1

Je fais plus de discussions philos avec mes amis, ma famille depuis que je vais aux ateliers

6

1

4

3

2

2,6

16

1,4

4,1

 

Globalement, les sentiments d’un apprentissage et d’une mise en œuvre de l’attitude philosophique ne sont pas fortement marqués. Il y a là certainement la découverte d’une limite de ce fonctionnement. Notre hypothèse est que l’absence de travaux permettant l’évaluation et l’autoévaluation est responsable de ce sentiment.

3.4.2.       Deuxième partie : Les questions ouvertes

3.4.2.1.  Apprentissage

Dans les ateliers philos du jeudi, j’ai appris que :

Qu’on pouvait y aller aussi le mardi !

J’ai appris comment savoir que je suis réelle

Tout le monde avait des avis différents mais que nous étions complémentaires

Il n'y a ni bonne ni mauvaise réponse

Les apprentissages sont des découvertes individuelles. Ils ne correspondent pas à des éléments venus conclure une question. Même le fait que parfois, plusieurs ateliers se soient tenus la même semaine le mardi et le jeudi ou le mardi à la place du jeudi ne sont pas des éléments explicités, ils sont tirés de l’information donnée par affichage ou simplement par diffusion audio dans la cour quand l’atelier est ouvert.

3.4.2.2.  Le cadre

Est-ce que le cadre libre de l’atelier m’a appris quelque chose ?

Oui, à ne pas couper la parole et écouter les autres et ça m'a appris la philo

Oui, on peut parler librement et écouter l'avis des autres pour voir plusieurs points de vue

Oui, ça m'a permis d'être capable de prendre la parole

Plein de choses intéressantes

La philosophie n'est pas juste quelque chose d'ennuyeux et énervant mais quelque chose d'intéressant et qui demande de réfléchir

Je pense intéressant d'aborder tous les sujets sans contraintes et avec différents supports (vidéo, photos, textes)

Je ne sais plus

Le cadre libre m’a appris que l'on était libre de ses actions

 

Les réponses de « Est-ce que le cadre libre de l’atelier m’a appris quelque chose ? » nous semblent être des éléments alimentant notre hypothèse : « Pour pouvoir être, il faut pouvoir ne pas être ». En effet, alors qu’il est possible de couper la parole, on apprend à ne pas la couper. Alors qu’il est possible de se taire, on peut parler librement ou encore simplement prendre la parole. Et l’élève qui écrit : « Le cadre libre m’a appris que l'on était libre de ses actions » nous signifie qu’il serait sans doute possible d’être libre, ce dont il n’avait pas eu l’expérience.

Ces deux séries de questions nous rappellent que la liberté de sortir ou d’entrer soit parce qu’elle est déjà un mode d’expression soit parce qu’elle permet « D'avoir plus de confiance en moi » ou de « Mieux m'exprimer » sans « Ne pas me sentir obligé d'être là » va me permettre de « Mieux m’exprimer ». S'asseoir librement sur une chaise, ou une table ou par terre, permet d’être à l’aise et de rester où on le souhaite « à côté de la personne que l'on veut ».

3.4.2.3.  Les motivations

Pourquoi vais-je à l'atelier philo, quand est-ce que j’y vais ?

J’y vais le mardi et le jeudi

Je peux y aller parce que les sujets sont intéressants, ou juste pour voir ce que c'est

J'y vais le jeudi, parce que c'est le seul jour où c'est ouvert

J'y vais quand le sujet m'intéresse et quand il fait froid

Car j'aime la philo, je sais que je vais devoir l'étudier au lycée et ça me permet de la découvrir et car je trouve cela enrichissant. J'y vais quand les sujets m'intéressent et quand mes amis acceptent de m'accompagner

J’y vais pour apprendre et aussi quand j'ai du temps

J’y vais car c'est intéressant

J'y vais le jeudi pour pouvoir réfléchir et pour débattre

Je vais à l'atelier philo de temps à autres pour les sujets qui me semblent intéressants

 

Les élèves viennent à l’atelier « quand le sujet m’intéresse », « quand il fait froid », « quand j’ai du temps », « quand mes amis m’accompagnent », ils choisissent de venir. Ce choix est un choix déterminé par un réel (est-on jeudi ou mardi ?), déterminé par une négociation avec la charge de travail (ai-je le temps ?), la recherche de plaisir (mes amis viendront-ils ?). Ce choix qui n’est pas lié à une situation de contrainte est par là-même un choix responsabilisant.

3.4.3.       Troisième partie du questionnaire : Les mots associés

Les études modernes sur le ressenti des collégiens par rapport au cadre de vie sont le plus souvent rattachées aux problématiques de harcèlement, de santé mentale .On peut citer par exemple (93 % des élèves déclarent se sentir « bien » ou « tout à fait bien » dans leur collège, 2023) l’enquête nationale sur le climat scolaire et de victimation auprès des collégiens pour l’année scolaire 2021-2022 ou encore l’enquête sur la santé mentale et le bien-être des collégiens et lycéens en France hexagonale EnCLASS 2022 (Santé Publique France, 2024) C’est donc une enquête plus ancienne réalisée en 1984 et 1995 dans des classes de troisième générale (Jeantheau J-P & Murat, 1998) que nous avons sélectionné afin de comparer un élément permettant aux élèves d’exprimer leur sentiment. Cet élément est une suite des 62 mots et l’ensemble des réponses sont listées en annexe. La consigne donnée aux élèves en 1995 était : “En allant le plus vite possible, cochez les mots que vous associez au mot collège.”. Nous remplacerons simplement le mot collège par le mot atelier-philo la consigne devenant donc : “En allant le plus vite possible, cochez les mots que vous associez au mot atelier-philo.”. Les réponses sont présentées en Annexe.

3.4.2.1          Écouter : un mot qui pose plus de questions qu’il n’apporte d’information

La première place est celle du mot “Écouter", le seul mot à avoir été sélectionné sur les 17 questionnaires rendus. En comparaison, le mot n’était que le (7) septième (Jeantheau J-P & Murat, 1998) dans les enquêtes de 1995. On peut cependant être surpris du choix systématique de ce mot. Notre hypothèse serait que les élèves trouvent une légitimité dans la demande d’une écoute quand celle-ci est donnée par l’animateur (l’adulte) à l’attention d’un pair. Le respect de cette demande est donc par nature ce qui va garantir la propre capacité de chacun à obtenir cette même écoute, nous retrouvons là le principe de “l’interlocuteur valable” (Lévine et al., 2008, p. 153). Ceci contrairement à la « situation classe » que nous définirons comme étant davantage une demande de l’écoute du professeur, qui est vécue potentiellement comme une prise de pouvoir unilatérale.

3.4.2.2          Échanger et Participer : deux mots choisis ensuite par 16 des participants

Les mots “échanger" et “participer” sont ceux qui viennent ensuite dans les mots les plus choisis (16 /17). L’atelier apparaît comme un lieu d’expression, sinon folâtre, au moins vivace. En 1995 (Jeantheau J-P & Murat, 1998) le mot “échanger” sera classé (50) cinquantième et le mot “participer” (10) dixième dans les choix des élèves pour qualifier le collège en général. Ici aussi, il ne nous a pas permis de conclure avec une totale assurance. Nous nous permettrons cependant une hypothèse. Les mots « participer » et « échanger », regroupés ici dans le classement, contrairement à l’enquête de 1995, semblent pouvoir signifier que la parole donnée est en équilibre de valeur perçue avec celle reçue, qu’elle est « échangeable », car de même valeur. Le placement du mot “échanger” en fin de tableau en 1995, représente une parole « participative » mais dont la valeur n’est pas intrinsèquement identique à celle reçue.

3.4.2.3          Découvrir : en (4) quatrième position

Ce mot avait été classé en (8) huitième position en 1995. Il n’y a donc pas là de différence notable. Cependant, nous restons ici aussi sur une question qui est celle de l’objet de la découverte. On peut cependant penser qu’avec une moyenne de 3.6/5 pour la question : « Il me semble que je comprends ce qu’est la philosophie », ce ne soit pas seulement la philosophie qui soit l’objet de cette découverte, ou peut-être est-ce là la conscience de la complexité de celle-ci ?

3.4.2.4          Apprendre, Réfléchir et Liberté : en (5) position

Les deux mots “apprendre” et “réfléchir" sont en très léger recul par rapport à l’enquête de 1995. “Apprendre” était en (3) troisième position et “réfléchir” (5) en cinquième. Difficile ici de faire la mesure entre l’activité elle-même et le fait que celle-ci soit placée dans un lieu d’étude : le collège, et qu’elle est aussi une discipline scolaire. Les questions fermées : « On est à l’école, on ne peut pas tout dire et parler de tout » avec une réponse moyenne de 3.4 et « On n’est pas à l’école dans l’atelier, on peut tout dire et parler de tout » avec 2.6 montrent bien que les participants ne tranchent pas pour déterminer si l’atelier est intégré ou pas au collège. Le mot “liberté” lui, était en (60) soixantième position dans l’enquête de 1995 pour les troisièmes générales. Il est certain que le sentiment de liberté est bien plus présent malgré le positionnement diffus de l’atelier comme étant ou pas partie du collège.

3.4.2.5          Culture : en (8) huitième position

Le mot était classé au rang (13) treize en 1995. Les ateliers sont donc associés plus fortement à cet aspect que ne l’était pour l’ensemble des élèves du collège en 1995. C’est aussi l’expression d’une volonté de se valoriser en valorisant l'activité. Le mot culture est-il associé automatiquement à l’adjectif « philosophique », ou bien est-ce mes rares citations ou références académiques qui sont responsables de ce sentiment ou encore le fait de construire par une recherche communautaire une culture dans l’établissement ? Il nous est bien difficile de proposer une thèse.

3.4.2.6          En neuvième (9) position : Communiquer, Bien-être et Débat

Les mots sont respectivement en rang (17) dix-sept, (53) cinquante-trois et (46) quarante-six dans l’enquête de 1995. Les mots “Communiquer” et “Débat” sont à des places facilement explicables par la nature de l’activité. Le rang du mot “Bien-être” est lui remarquable. Il est ici la preuve que le cadre est pour certains considéré comme positif. Mais ici aussi, les questions sont nombreuses. Est-ce uniquement ou même principalement le cadre qui donne ce sentiment de bien-être ?

3.4.2.7          S’amuser : en rang (10) dix

La réponse à la question « Faire de la philosophie est amusant » se voit attribuer un 4,2/5 de moyenne. C’est ici la matière et non le cadre qui est théoriquement notée. Cependant le cadre permet cette situation, il autorise l’expression en général et celle de l’amusement en particulier et pour citer M. de Montaigne : « La sagesse n'a pas cette mine renfrognée et austère qui fait fuir les hommes, elle est gaie et folâtre ».

3.4.4.       Les limites du questionnaire et ses possibilités d’évolution

En étudiant les résultats du questionnaire, nous prenons ici conscience de la difficulté qu’il y a à créer un tel document. Les questions semi-fermées de la première partie ont l’inconvénient de renvoyer des informations floutées par la mise en commun de réponses trop éparses. Dans la troisième partie, notre naïveté nous a fait penser que l’utilisation de matériel d’enquête générique nous permettrait de comprendre ce qui se joue dans un atelier-philo. Mais l’ancienneté des enquêtes précédentes et surtout le mystère que peut cacher un mot-concept, nous interrogent plus, ou pour le moins autant, qu’ils nous renseignent. Cependant ce travail soulève le besoin d'outils permettant de mesurer et de comparer le sentiment des participants d’ateliers philosophiques. Un tel outil permettrait en effet de comparer les différents dispositifs, non plus seulement dans leurs intentions, mais aussi dans les sensations effectives des participants.

3.5    Quelle influence l’utilisation d’un cadre aux horaires ouverts a-t-elle sur la perception des élèves, sur le déroulé et sur les conséquences de l’atelier philosophique ?

Afin d’approfondir les résultats donnés par les questionnaires, la dernière séance de l’année a porté sur la question de ce qui nous aide ou nous empêche de penser, le but étant de faire s’exprimer les élèves en intégrant les ateliers philos et leur cadre comme exemple.

Village périurbain de Toulouse, placé dans la dernière ceinture des zones totalement rurales, Lherm est seulement à 15km du Gers, département rural s’il en est et à 28 km de l'Ariège qui n’en est pas moins un.

L’ambiance au collège est calme. Ce n’est pas un établissement qui pose particulièrement de problème. Drogue et hyperviolence ne sont pas les préoccupations primordiales de la Direction. Les élèves sont globalement polis et relativement respectueux. En revanche, la fracture socio-culturelle entre les enfants de cadres urbains, type ingénieur à Airbus, et les enfants de personnes en difficulté de vie et/ou professionnelles venues rechercher un lieu de vie moins dispendieux que Toulouse, est très marquée et le niveau scolaire dans les classes est typiquement réparti en trois tiers : un tiers de têtes de classe, un tiers d’élèves moyens et un tiers d’élèves en difficultés.

3.5.1.       La séance « Qu’est ce qui nous aide ou nous empêche de penser ? »

La séance est visionnable en ligne dans son intégralité à l’adresse : https://youtu.be/u2ZTG7EaQvo

La séance s’est déroulée le 11 juin 2024 entre 12 h 30 et 14 h dans la salle 0 au Collège du Lherm. Lherm est un village que la municipalité présente ainsi : “ La commune de Lherm se situe au sud-ouest de Toulouse à environ 30 kilomètres. Peuplé aujourd’hui de 3 700 habitants, Lherm s’est doté de nombreux commerces et abrite une trentaine d’associations sportives et culturelles, la présence de bois et de bosquets lui donne encore un cachet champêtre fort apprécié que la municipalité cherche à préserver. 


Le collège Flora Tristan de Lherm dans son écrin de verdure en Haute-Garonne

La semaine précédente les affiches du sujet à venir sont affichées dans le hall du collège et devant la salle zéro. Ces affiches sont pour cette séance deux images créées par intelligence artificielle. Sur les affiches les environnements des pièces dans lesquelles sont les protagonistes sont chargés d‘objets courants et de la présence d’un ou une amie. L’ensemble de ces éléments est une proposition d’objets à interroger sur l’aide ou l'empêchement à la pensée. La séance a pour but de s’interroger sur les conditions. La séance débute par une séparation des élèves en deux groupes Un groupe est présent dans des conditions de « type classe » et un autre dans les conditions de type « ateliers moulins ».


Les élèves du groupe-classe sont censés ne pas pouvoir sortir, ni se lever ni parler sans demander la parole et ils se doivent de rester assis sur leur chaise. Ces élèves porteront un brassard jaune pour symboliser leur appartenance à ce groupe.

Les deux groupes Classe et Moulin durant la séance : « Qu’est ce qui nous aide ou nous empêche de penser ? »

Après avoir été libérés de la situation Classe, nous interrogeons les élèves sur ce qu’ils ont ressenti pendant l’expérience.

3.5.2.       L’éloge du calme et de l’ordre qui aide à penser

La première intervention à la suite de l’expérience de la situation classe condamne les ateliers moulins :

L’animateur : Est-ce que le fait d’être obligé de rester [assis] et de lever la main, ça vous a aidé à penser ou cela vous a embêté ?

Paul : Cela nous a aidés à mieux penser parce que quand on parle chacun comme ça [librement], on est distrait parce que les autres gens nous parlent.

 

Cette position claire est défendue aussi par un autre élève arrivé en 49 :45 de la vidéo résultant de la captation en juin 2024 au collège du Lherm : (Belbèze, 2024a).

 

(22 :45) – L’animateur : Quand est-ce que c’est le mieux pour penser, quand c’est calme ou en situation d’atelier philo ?

(22 :50) – Paul : Quand c’est calme.           

….

(50 :40) – L’animateur : Donc, tu voudrais du calme ?

(50 :49) – Paul : Du silence.

 

On retrouve peut-être une trace de ce désir d’ordre, dans les 3 questionnaires rendus par les 3 élèves qui répondent positivement à la question suivante du questionnaire : La liberté d'aller et venir dans l'atelier empêche-t-elle de parler librement ?

 

Fonctionnement et horaires

1

2

3

4

5

µ

NB Réponses

σ

Note /10

La liberté d'aller et venir dans l'atelier empêche de parler librement

8

1

3

1

2

2,2

15

1,4

3

 

Mais tous ne sont pas de cet avis !

3.5.3.       Du chaos et du bruit jaillissent sinon la lumière, des idées, la possibilité de parler et peut-être de penser

Immédiatement après l’intervention de Paul, Nathan intervient et déclare :

22 : 42 – Nathan : moi, je ne suis pas d’accord.

24 : 01 – Nathan, je pense tout l’inverse. Ça ne m’a pas aidé.

24 : 20 – L’animateur : Ça ne t’a pas aidé d’être en situation Classe ?

24 : 25 – Nathan : Ouais

24 : 30 – L’animateur : Ça ne t’a pas aidé d’être en situation Classe ! Ce qui t’aide, c’est quand il y a un peu de chahut, un peu comme ça ? Qu’est-ce que c’est qui t’aide [à penser] en fait ?

24 : 35 – Nathan : Ouais, vu qu’eux ils parlent, cela me fait penser à des trucs auxquels je n’aurais pas pensé.

 

Un autre élève intervient alors pour faire la différence entre la liberté donnée au placement du corps et celle donnée à la prise de parole. À partir de ce moment, nous traiterons les deux de manière différenciée.

25 : 18 – Marcel : On devrait s’asseoir sur la table, ça j’aime bien, mais on devrait lever la main comme cela, on s’entend tous.

3.5.3.1 La liberté de mouvement aide-t-elle à réfléchir ?

Il est immédiatement contré par Nathan.

25 : 23 – Nathan : On s’entend déjà tous.

25 : 30 – Paul : Parce que l’on n’est que quatre.

           

Un autre élève ajoute ses propres impressions

29 : 18 – Eliès : J’ai besoin de bouger.

28 : 21 – L’animateur : tu as besoin de bouger pour penser ?

29 : 23 – Eliès : Oui

…..

30 : 00 - Eliès : Moi, j’ai une AESH, elle m’aide à pas bouger.

30 : 02 – L’animateur : Est-ce que de t’aider à ne pas bouger, cela t’aide à réfléchir, à penser ou pas ?

….

30 : 20 – Eliès : Je préfère ici.

30 : 22 – L’animateur : pourquoi tu préfères ?

30 : 20 – Eliès : Je suis libre

30 : 23 – L’animateur : Est-ce que cette liberté te permet de mieux penser ?

32 : 25 – Eliès : Oui.

32 : 22 – L’animateur : Est-ce que tu sais pourquoi ?

32 : 20 – Eliès : Non.

 

Dialogue issu de la vidéo (Belbèze, 2024a)

 

Elies ne nous informe pas sur les raisons de la sensation que la liberté du corps (bouger) l’aiderait à penser.

La position de liberté est agréable pour certains élèves. Des élèves nous déclarent qu’elle pourrait aider à penser en baissant leur niveau de contrainte. Ce côté agréable est aussi présent dans les réponses du questionnaire.

 

La liberté d’entrer et de sortir librement des ateliers philosophiques est importante pour moi ?

7 oui - 1 non

 La difficulté de la question ainsi que le manque de préparation du questionnaire trop général nous empêchent sans doute d’aller plus loin. Il serait sans doute nécessaire de faire aussi la différence entre ce qui est lié à nos propres mouvements et à ceux des autres. Cependant, la conclusion est que si une majorité d'élèves reste attachée à la liberté de mouvement et de placement, ils ne le sont pas tous. Certains déclarent en avoir besoin et d’autres, au contraire, recherchent le plus grand calme, comme Paul.


50 : 22 – L’animateur : Pour penser, tu préfères quand c’est calme ou tu aimes bien la situation atelier-philo ?

Participants libres de s’installer à leur convenance


50 : 28 – Ernest qui est assis en tailleur sur une table : Quand c’est calme, du silence et ne rien faire en même temps.

3.5.3.2 Avoir à lever le doigt pour demander à parler gêne-t-il ou aide-t-il à réfléchir ?

Nous avons déjà eu le retour explicite de Paul. Mais une information nouvelle va surgir du débat. La difficulté à demander la parole.

30 : 55 – L’animateur : Qu’est ce qui pourrait vous empêcher de penser ?

30 : 59 – Nathan : Moi, je n’aime pas trop lever la main, je ne sais pas pourquoi ?

….

31 : 40 – L’animateur : D’avoir à lever la main serait quelque chose qui te bloque ?

31 : 43 – Nathan : Oui

32 : 00 - L'animateur : Tu peux nous en dire un peu plus sur pourquoi ça te bloque ?

32 : 11 – Nathan : Je ne sais pas, cela ne me donne pas envie de parler. Je ne sais pas trop pourquoi.

32 : 20 – L’animateur : Est-ce que c’est le fait d’avoir à demander la permission qui fait que tu n’en as plus envie ?

32 : 30 – Nathan : Oui, je pense.

….

32 : 50 – L’animateur : Mais nous, ce qui nous intéresse, c’est penser, pas parler. Alors la question, c’est : est-ce que l’on a besoin de parler pour penser ?

33 : 00 – Nathan : pas trop.

33 : 14 – Eliès : Pour penser, je parle avec mon frère.

33 : 15 – L’animateur : Parce qu’il te répond et/ou c’est le fait de le lui avoir dit ?

33 : 20 – Eliès : Oui.

34 :49 – L’animateur : Le fait de ne pas avoir à demander la permission ça te permettrait de parler davantage ?

34 : 42 – Eliès : Ouais.

Dialogue issu de la vidéo (Belbèze, 2024a)

Ici, nous avons la preuve que l’obligation de lever le doigt peut-être un handicap à la parole, et donc si parler et échanger nous aide à penser.

3.5.3.3 Pourquoi est-il intéressant, dans le sens de rentable, de faire de la philosophie ?

Dans l’expression populaire « Je suis philosophe », le mot est synonyme de calme, de contrôle de soi, et souvent d’une certaine résignation. Alors qu’au contraire, on associe souvent la philosophie à l’activité qui va nous permettre d’avoir des positions affirmées et construites, et à la possibilité de faire preuve d’un esprit critique qui serait la preuve d’un penser par soi-même. Ces positions peuvent sembler paradoxales, mais elles ne le sont que parce que nous avons omis de préciser que souvent, dans le premier cas, nous considérons que la situation nous échappe et que nous ne pouvons sans doute rien y changer.

 

Le sentiment de pouvoir changer participerait donc à nous aider à développer nos avis et à penser par nous-mêmes. C’est dans ce cadre que les ateliers moulins font l’exemple d’un espace différent. Leur possible existence fait la preuve de l’existence de lieux différents, autorise donc à penser que les choses ailleurs puissent être différentes. Si les choses peuvent donc être différentes, il convient alors de penser ce qu’elles doivent devenir et, pour savoir cela, il convient de savoir ce qu’elles sont. Nous devons savoir ce qui se passe. Cette injonction est la question philosophique que posent les ateliers Philos Moulins, simplement par leur cadre différent.

 

Les trois réponses les plus radicalement positives aux questionnaires sont celles-ci :

 

 

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Les sujets sont intéressants

0

0

1

6

9

4,5

16

1,2

8,8

Faire de la philosophie est intéressant

0

0

3

4

10

4,4

17

1,5

8,5

Je pars de l’atelier facilement

1

 0

2

2

12

4,4

17

1,8

8,5

Extrait du questionnaire : Les trois réponses les plus radicalement positives aux questionnaires

Notre hypothèse est que si la philosophie est intéressante et si les sujets le sont tout autant, c’est simplement parce que les participants ont le choix engageant de librement venir et que ce choix est continuellement validé par le choix de rester. Les choses sont à tous moments modifiables par nous et donc nous sommes responsables de ces modifications, ou pire, responsables que les choses restent en l’état. Il y a donc une économie de l’atelier philosophique faisant la preuve qu’il est « intéressant » dans le sens de rentable de savoir comment les choses se passent puisqu’on pourrait-faire qu’elles se passent différemment.

3.6    Conclusion : une communauté de recherche qui cherche ses limites

Le cadre différent des ateliers moulins est pour certains élèves un lieu de libération qui peut, selon notre hypothèse, faire preuve que « les choses peuvent être différentes ».

Extrait du questionnaire : Écouter n’est pas pénible puisque l’on peut ne pas écouter et couper la parole

Le fait que le mot écouter soit le premier de la liste des mots sélectionnés et que nous n’ayons à la fois pratiquement aucune difficulté exprimée pour attendre son tour pour parler alors qu’il est possible de couper la parole, vient ici confirmer notre hypothèse, que la liberté donnée vient bien rendre responsable et que le choix d’assumer cette responsabilité réduit ensuite les frustrations. On trouve une confirmation de cela dans la réponse donnée par un participant à la question du questionnaire ”Est-ce que le cadre libre de l’atelier m’a appris quelque chose ? “ : “Le cadre libre m’a appris que l'on était libre de ses actions”. Nous lisons ici “libre de ses actions” comme signifiant alors “responsable de ses actions”.

Cette mécanique amène un changement économique dans l’acte de penser. Réfléchissons à ce qui se passe et à ce que l’on peut penser, puisque cela est possible.

Cependant que le bruit et l’animation sont pour certains des éléments gênant la pensée, comme le dit Maïs (51 : 45) : « Y en a, c’est différent. »

La recherche d’un équilibre est donc nécessaire. C’est cette recherche qui est l’objet permanent toujours présent d’une séance à une autre de notre communauté de recherche. Au tout début de la séance (2.25) un des élèves pose les pieds sur la table après que l’animateur a déclaré : « Vous vous mettez comme d’habitude, comme vous voulez ». L’animateur réprouve : « Non, pas les pieds sur la table. ». Un autre élève déclare : « Non, il ne faut pas abuser, non plus ! » (Belbèze, 2024a).


Participants en mode Atelier Moulin durant la séance sur la recherche de ce qui aide ou gène la pensé

S’il faut classifier les ateliers moulins, nous les classons tout à la fois dans l’espace des nouvelles pratiques philosophiques et dans celui de l’éducation populaire. Nina Boulehouat pense que les deux pratiques ont en commun : “une volonté de se mettre à la portée de toutes les personnes rencontrées, de les accueillir dans leur globalité, d’être accessible, tout en ayant des ambitions de transformation sociale, d’exercer un regard critique sur la société et de donner les outils pour participer à la vie de la cité, à la démocratie.” (Boulehouat, 2024, p. 15). Ces caractéristiques peuvent être appliquées aux ateliers moulins.

P

AUTOCRITIQUE DU TRAVAIL

Le choix de se positionner uniquement sur l’impact du cadre dans un atelier philosophique montre rapidement des limites. En effet, les paroles ne sont pas facilement rattachables ou imputables au cadre en cela que le discours une fois prononcé n’est plus rattaché au cadre dans sa trace écrite.

La séance analysée en 3.4 même si elle est potentiellement choisie pour essayer de voir plus clairement les implications philosophiques du cadre, ne répond que peu à cette fonction. La difficulté de l’exercice qui consiste à s’autoanalyser dans l’accomplissement d’un travail en fonction du cadre est de fait un travail difficile. La demande institutionnelle ou parentale est plus généralement celle de faire en sorte de s’extraire ou de faire abstraction du cadre de façon à « bien faire son travail ».

Le questionnaire, lui aussi, ne nous aide pas beaucoup. Les questions posées se sont voulues bien trop générales, à la fois pour évaluer l’ensemble de la pratique et/ou pour faire référence à des sondages déjà réalisés (question 3 du choix des mots) de façon à pouvoir faire des comparaisons avec d’autres situations. Ces deux éléments s’ils ont confirmé que pour « une majorité d’élèves » le cadre des ateliers convenait à être à l’aise et avoir un sentiment de liberté plaisant, il est difficile d’en tirer une conclusion sur la qualité philosophique du contenu des ateliers moulins. De plus, la liberté d'entrer et de sortir introduit un biais conséquent par le fait que les élèves à qui cela ne conviendrait pas, sont sortis et donc ne remplissent pas de questionnaire.

 

Est-ce que m'asseoir où je veux, chaise, table est important ?

Oui. Pour être à l’aise

Oui, parce qu'il faut se sentir à l'aise

Oui, car on peut être à côté de la personne que l'on veut

Extrait du questionnaire : La liberté des corps

 

Les ateliers moulins demandent donc à être confrontés, comparés, évalués et complétés par d’autres types d’ateliers. Ce travail ne nous apparaît aujourd’hui que comme un début de réflexion.

CONCLUSION GENERALE

Mis en place par la résistance à une institution plaçant l’ordre avant toute chose, c’est par l’abandon de cet ordre que les ateliers moulins ont vu le jour. Ouvert, anonyme, le cadre des ateliers moulins propose de chercher ensemble de nouvelles règles du jeu, comme dans ce tour de table où les élèves se lèvent spontanément pour tourner autour des tables (Belbèze, 2024c, 0:04:45-0:05:00). Nous avons fait l’hypothèse que l’ouverture de ces règles à la délibération et au choix individuel de chacun permettrait de créer un espace responsabilisant amenant à une réflexion plus sincère.

Par ailleurs, l’étude des réponses du questionnaire proposé aux participants nous semble faire la preuve de la mise en place d’une nouvelle économie dans laquelle les ateliers moulins, par leur différence, valident qu’il est possible de modifier les règles de notre habitus. Ce changement de paradigme sur un monde devenu “transformable” rendrait alors “intéressant” la philosophie. Elle est le prix “raisonnable” à payer pour obtenir ce pouvoir de modification, le préalable qui à partir d’une explication et d’une meilleure compréhension du monde permettrait la modification dudit monde.

Les ateliers moulins, cousins ruraux des ateliers de bas d’immeuble, présentent l’avantage de résoudre des problèmes de faisabilité dans les établissements scolaires, notamment les collèges, durant la pause méridienne. L’animation de ce type d’atelier est moins industrialisable que des ateliers pouvant dérouler un logiciel précis, sous la forme d’un dispositif construit en phases successives qui demandent la présence continuelle des participants. L’animateur doit accepter cette difficulté et trouver par sa posture et sa propre rigueur le chemin garantissant la philosophicité. C’est dans sa propre inventivité spontanée, ses capacités de relance nécessaires à un partage vivant et séduisant qu’il peut arriver à maintenir cet équilibre délicat entre la communauté de recherche et l’instabilité physique d’un groupe où chacun vit librement son individualité.

Cette étude, nous a fait aussi découvrir certaines faiblesses et difficultés dans notre processus d’analyse. Valider le lien entre les capacités et les compétences philosophiques des élèves et le cadre moulin reste un exercice où nous n’avons pas trouvé de preuve irréfutable. La mise en œuvre de questionnaire d’évaluation de référence, qui pourrait être pratiqué dans le cadre d’ateliers philosophiques présentant des cadres et des processus semblables et différents, permettrait peut-être de pouvoir tirer des conclusions plus précises.

La liberté d’entrer et de sortir librement des ateliers philos est importante pour moi ?

7 oui - 1 non

Extrait du questionnaire


La liberté du cadre moulin est appréciée par les élèves. Mais certains élèves ont clairement déclaré que contrairement à d’autres, les perturbations associées à cette liberté pouvaient être une gêne à penser. Il conviendrait donc pour ces élèves, qui d’ailleurs ont pris l’habitude de venir en fin d'atelier (13 h 30 à 14 h) au moment où le nombre de participants est généralement plus faible, de proposer des ateliers dans un cadre différent.

 

Il y aurait donc deux éléments à développer dans de futurs travaux :

·         Premièrement, un questionnaire de référence pour pouvoir comparer le ressenti et, pourquoi pas, les apprentissages des différents types d’ateliers entre eux.

·         Deuxièmement, un regroupement d’animateurs, de façon à proposer aux participants des ateliers animés par des personnes aux méthodes et dispositifs différents de façon à permettre à chaque enfant de pouvoir penser dans le cadre qui lui convient tout en s’essayant à d’autres, même s’ils ne sont pas tous compatibles avec la pause méridienne en collège sans des organisations administratives plus complexes.


 

BIBLIOGRAPHIE

 

93 % des élèves déclarent se sentir « bien » ou « tout à fait bien » dans leur collège. (S. d.). Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse.https://www.education.gouv.fr/93-des-eleves-declarent-se-sentir-bien-ou-tout-fait-bien-dans-leur-college-357623

 

Belbèze, C. (2024a). Qu’est ce qui aide et empêche de penser (atelier philosophique juin 2024 collège du Lherm : [Vidéo]. YouTube. Déposée le 15 août 2024, à l’adresse : https://youtu.be/u2ZTG7EaQvo

 

Belbèze, C. (2024b). Séance Vidéo : Philosophicité des ateliers moulins : [Vidéo]. YouTube. Déposée le 15 août 2024, à l’adresse : https://youtu.be/_G-KcNQ7n4I

 

Belbèze, C. (2024c). Séance Vidéo : Courte présentation des ateliers philosophiques moulins du collège du Lherm : [Vidéo]. YouTube. Déposée le 15 août 2024, à l’adresse : https://youtu.be/gSGVHMYj0ZE

 

Boulehouat, N. (2024). Quelle philosophicité peut apparaître dans la pratique hors les murs ? Mémoire du Diplôme Universitaire Formation à l'animation d'ateliers de philosophie avec les enfants et les adolescents à l'école et dans la cité, Université de Nantes.

 

Canguilhem, G. (1943). Le normal et le pathologique. Presses Universitaires de France - PUF.

 

CRDE [Centre de ressources en éducation de l’enfance]. (2021, 23 septembre). Pédagogie sociale : Jouer les proximités contre la distanciation : (Par L. Ott & ESEDE) [Vidéo]. YouTube. Consulté le 15 mai 2024, à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=wYbWxpAuZSg

 

Cugno, A. (2005). Sur la liberté de penser. Projet, 284 (1), 85-90. https://doi.org/10.3917/pro.284.0085

 

Delourme, A. (2003). La souplesse du cadre. Gestalt, no<(sup> 25), Gestalt 2003/2 (N°25), p. 29-47https://doi.org/10.3917/gest.025.0029

 

Dewey, J. (2018). XI. Expérience et pensée. Dans : , J. Dewey, Démocratie et éducation: Suivi de Expérience et Éducation (pp. 223-235). Paris : Armand Colin.

 

Galichet, F. (2004). Pratiquer la philosophie à l’école : 15 débats pour les enfants du cycle 2 au collège. Nathan.

 

Garnier, B. (2018). L’éducation informelle contre la forme scolaire ? Carrefours de l'éducation, 45, 67-91. https://doi.org/10.3917/cdle.045.0067

 

Jeantheau J-P, Murat F. (1998). Perception du collège et de la vie scolaire par les élèves en fin de troisième,

Les dossiers D’ÉDUCATION ET FORMATIONS, ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, https://educ-eval.pleiade.education.fr/pdf/dossier104/dossier104.pdf

 

Joing, I., Vors, O., Llena, C. & Potdevin, F. (2018). Se sentir bien dans chacun des lieux de l’espace scolaire au collège : Le rôle de l’autonomie, de l’appartenance sociale, de la perception du lieu et du sentiment de sécurité. Spirale - Revue de recherches en éducation, 19-40https://doi.org/10.3917/spir.hs2.0019

 

Lévine, J., Chambard, G., Gostain, D., & Sillam, M. (2008). L’enfant philosophe, avenir de l’humanité ? Ateliers AGSAS de réflexion sur la condition humaine (ARCH). Paris, France : ESF éditeur. Revue des Sciences de L’éducation36 (1), 286. https://doi.org/10.14375/np.9782710119807

 

Magnon, V., Mille, J., Dutheil, F., & Vallet, G. T. (2021). « Mettre du cœur/corps à l’ouvrage » : une approche psycho-physiologique de la cognition incarnée. https://hal.science/hal-03403851

 

Mendiburu, J. (2003). La fonction du cadre. Gestalt, no<(sup> 25), 11-25. https://doi.org/10.3917/gest.025.0011

 

Ott, L. (2009). Pédagogie Freinet et pédagogie sociale. Journal du Droit des Jeunes, n° 282(2), 26 27https://doi.org/10.3917/jdj.282.0026

 

Platon, (-400?). Cratyle. Traduction par Louis Méridier. Texte établi par Louis Méridier, Les Belles Lettres, 1931 (Œuvres complètes de Platon, tome V)

 

Santé Publique France, (2024). La santé mentale et le bien-être des collégiens et lycéens en France hexagonale - Résultats de l’enquête EnCLASS 2022. Consulté le 15 mai 2024, à l’adresse : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/sante-mentale/depression-et-anxiete/documents/enquetes-etudes/la-sante-mentale-et-le-bien-etre-des-collegiens-et-lyceens-en-france-hexagonale-resultats-de-l-enquete-enclass-2022

 

Unesco, Glossaire, (2024.). UNESCO UIS., Consulté le 15 mai 2024, à l’adresse : https://uis.unesco.org/fr/glossary


ANNEXE

       Paroles d’élèves, 10 ans plus tard

    Kevin

CB - Quels souvenirs avez-vous de ces moments ?

Kevin - Je me souviens d'un espace où je pouvais réellement dire ce que je pensais sans avoir peur d'être jugé ce qui dans un collège est plutôt rare et rafraîchissant

 

CB - Pensez-vous que cette pratique vous a permis d'acquérir des habiletés de pensée et si oui lesquelles ?

Kevin - Oui grâce à ce club de discussion j'ai appris à avoir une plus grande réflexion sur mes opinions et mes idées mais également à me confronter à certaines idées en total désaccord en restant dans le débat ce qui je le pense sincèrement aurait été très difficile voire même impossible sans ces moments de débat.

J'ai également appris à baser mes opinions sur des faits concrets plutôt que sur des sentiments.

 

CB - La liberté du cadre de ces ateliers a-t-elle joué un rôle dans votre posture, votre capacité de réflexion, votre expression... ?

Kevin - Je dirais que la liberté du cadre de ces ateliers m'à permis d'avoir une posture totalement sincère avec moi-même. Je ne pense pas que ce soit la liberté du cadre qui ait influencé ma capacité de réflexion, mais elle m'a permis de ne pas me censurer dans mes opinions et mes idées.

En ce qui concerne l'expression je dirais que grâce aux ateliers j'ai acquis un esprit d'analyse mais je ne pense pas que la liberté du cadre ait influencé grandement.

La liberté du cadre m'a surtout permis de pouvoir être totalement sincère sans me censurer dans un lieu de confiance et je pense que c'est surtout cela que la liberté de ces ateliers m'a apporté.

Sarah

CB - Quels souvenirs avez-vous de ces moments ?

Sarah - Alors, je ne me souviens plus trop exactement mais oui je pense que cet atelier m’a permis d’apprendre à poser des mots sur ce que je pensais mais surtout à débattre avec des gens qui ne pensent pas comme moi. Et je m’en rends compte aujourd’hui mais ça m’a ouvert et ça a remis en question pleins de choses que je pensais. De plus ça m’a permis de parler de sujet que je n’avais pas forcément l’occasion d’aborder que ce soit en famille et/ou avec mes amis.

Et surtout aujourd’hui je pense qu’il est important d’avoir ce genre d’atelier au collège parce que moi qui suis quelqu’un qui aime débattre, se poser des questions sur la vie etc… Les enfants de mon âge ne se sentaient pas forcément concerné ou s’en foutaient et cet atelier, je pense, permettrait d’un côté aux enfants qui aiment débattre de pouvoir le faire et de pouvoir dire ce qu’ils pensent. D’un autre côté, cet atelier permettait de s’informer, de donner intérêt sur des sujets importants (comme la politique, aujourd’hui beaucoup de jeunes ne se sentent pas concernés).

Sacha

CB - Quels souvenirs avez-vous de ces moments ?

Sacha - Ça me dit quelque-chose oui, oui, c’était un peu le seul moment où on était libre de faire ce que l’on voulait !


 

La parole de l’institution : Evaluation Atelier philo non contraint par Madame Sandrine EPOUDRY, CPE au Collège Flora TRISTAN

 

Après échanges avec M. BELBEZE et Mme CAZAUX, principale adjointe à cette date, nous avons décidé de mettre en place les ateliers philo en octobre 2022 en nous appuyant sur un diagnostic de ce qui était proposé durant la pause méridienne.

- Le Comité Local d’Accompagnement à la Scolarité des 3 communes qui sont rattachées au collège Flora TRISTAN intervenaient depuis plusieurs années durant la pause méridienne mais plutôt dans le registre ludique, mis à part les ateliers journal et podcast, qui semblaient s’essouffler.

- Un des objectifs de l’Ecole est de préparer les élèves à avoir une pleine conscience du monde qui les entoure afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées.

- L’argumentation engendrée par cet atelier est un atout précieux pour préparer les élèves au développement construit demandé en classe ainsi qu’à l’oral du Diplôme National du Brevet.

Une fois la décision prise, les questions de la temporalité, de la fréquence et du mode d’intervention restaient à définir. Nous avons décidé de proposer une nouvelle « formule » proposée par M. Belbeze, de cet atelier, à savoir un atelier « non contraint », là encore après étude de notre diagnostic. Concrètement, les élèves ne sont pas obligés de rester durant tout le temps de l’atelier pour pouvoir y participer.

- Le collège Fora TRISTAN est un collège rural, à 30 km de Toulouse.

- En collège, les choix des élèves sont dictés à toute heure de leur présence dans l’établissement et ils n’ont pas la possibilité de sortir entre 2 heures de cours. L’opportunité de leur laisser un « sentiment » de liberté nous a semblait opportun en termes de climat scolaire.

- La réflexion philosophique doit être un moment de « plaisir » si nous voulons qu’elle soit pérenne. Or, la contrainte engendre rarement le plaisir.

- L’objectif de cet atelier n’est pas de donner les « bonnes réponses », mais d’amorcer la réflexion chez les élèves

- Cet atelier peut permettre l’augmentation de l’estime de soi de chaque élève, qu’il soit performant ou non au niveau scolaire

Nous avons par ailleurs convenu qu’aucun adulte de l’établissement ne devait prendre part à cet atelier afin que les élèves puissent avoir un réel espace de liberté de penser et d’expression. Toutefois, en cas de doute sur la sécurité d’un élève ou de « révélations » importantes, M. BELBEZE devait nous faire un retour afin que nous puissions prendre ne charge la situation.

M. BELBEZE est donc intervenu 2h le mardi à partir du mois de novembre en 2022/2023, et 2h les mardis et jeudis en 2023/2024. La fréquentation de l’atelier a été fluctuante, allant de 1 à 20 élèves maximum.

Au cours du mois de mai 2023, M. BELBEZE m’a annoncé qu’il se rendait à Casablanca, au Maroc, afin de développer cet atelier dans le lycée français international Alphonse DAUDET. Après échanges, nous avons imaginé une rencontre en « visio test » entre les élèves des deux établissements. Une fois les problèmes de matériel et de temporalité réglés, l’expérience a été très concluante des 2 côtés. Ainsi, elle a été reconduite une fois entre chaque période de vacances en 2023/2024, ce qui a permis à tous les participants de découvrir de nouvelles pratiques et une nouvelle culture. Ces visios ont été un réel atout et ont permis à des élèves qui ne venaient pas habituellement de découvrir cet atelier.

J’ai beaucoup échangé avec les élèves au sujet de cet atelier car je voulais connaître leur ressenti au sujet des choix que nous avions fait. Certains m’ont dit qu’ils appréciaient cet espace car ils se sentaient libre et non jugés. D’autres m’ont exprimé qu’ils appréciaient beaucoup le fait de na pas être obligés de rester durant toute la séance. Lorsque je leur ai demandé pourquoi, plusieurs réponses reviennent :

- Parfois, le thème proposé évoque quelque chose pour eux et ils restent un certain temps.

- Parfois, le thème ne leur « parle » pas, mais ils sont curieux de savoir ce qui va se dire.

- Parfois, certains n’ont pas prévu de venir à l’atelier, mais le fait de savoir qu’ils peuvent venir y

« faire un tour » les incite à entrer dans la salle.

C’est donc un bien la question du sentiment de liberté qui est évoquée. Toutefois, certains élèves n’ont pas « joué le jeu » et la vie scolaire a dû s’adapter. En effet, pour des raisons de sécurité, la circulation dans les bâtiments n’est pas autorisée durant la pause méridienne, sauf pour se rendre aux ateliers. Certains élèves prétextaient se rendre dans les ateliers et en profitaient pour enfreindre le règlement intérieur, se cachant dans les couloirs ou frappant aux portes et dérangeant les cours. La vie Scolaire a donc demandé à chaque élève se rendant à un atelier de s’inscrire sur une liste et de prendre un « badge » identifiant l’atelier dans lequel il se rendait. Les élèves les plus « récalcitrants » ont été interdits d’atelier pendant une certaine période.

Lors de mes entretiens avec les élèves, j’évoque cette contrainte apparue cette année. Ils disent s’être montré très compréhensifs quant à ce nouveau fonctionnement et s’y sont pliés sans problème. Toutefois, le fait que ce soit les élèves qui s’inscrivent sur le moment et non un adulte a, à mon sens, grandement facilité la réussite de ce nouveau protocole.

Pour ce qui est des thèmes abordés, M. BELBEZE a fonctionné de plusieurs façons : soit le thème était

« imposé », soit il revenait aux élèves de le fixer, soit ils pouvaient choisir entre certains thèmes proposés.

D’après les retours que j’ai eus, ces différentes possibilités « couvraient » l’ensemble de demandes des élèves. Mon bureau étant situé en face de la salle d’étude, il m’est arrivé d’entendre que les réflexions se poursuivaient en permanence, ou bien que lorsqu’un sujet était évoqué, certains disaient « on en a parlé en atelier philo », ce qui poussaient les autres élèves présents à les questionner et à entrer dans la réflexion. De plus, lors de mes déplacements dans la cour, j’ai pu constater que élèves échangeaient autour de certains des thèmes proposés.

Le comportement de certains élèves a évolué au cours de ces deux années. Certains, très assidus la première année et particulièrement actifs quand les élèves étaient peu nombreux, ont peu à peu délaissé cet espace car ils n’y trouvaient plus « leur place ». D’autres, en difficultés scolaires mais « intrigués » par ce concept, ont été plutôt assidus. La mère d’un élève a même évoqué les « bienfaits » de cet atelier lors d’un entretien avec moi.

L’intervenant du CLAS du LHERM a proposé à M. BELBEZE de mettre en commun leur deux ateliers, à savoir podcast et philo. J’ai été très favorable à cette démarche lorsque M. BELBEZE m’en a fait part et je reste convaincue que c’est une des évolutions possibles de l’atelier philo. Je suis intimement persuadée que permettre aux élèves d’entrer en réflexion sur le monde et de s’élever intellectuellement en adoptant cette démarche est bénéfique pour eux. A ce titre, je tiens à remercier très chaleureusement M. BELBEZE pour tout ce qu’il a pu apporter à nos élèves et pour la qualité de nos échanges. L’atelier sera reconduit dans ce format l’année prochaine avec l’accord de la direction.


 

Le questionnaire

Merci de remplir ce questionnaire et le droit à l’image et de le retourner à la vie scolaire pour m’aider.

Christian - Animateur des ateliers philos


Nom ou pseudo ou rien si anonyme : _______________________

Questions fermées Atelier Philo - Place une croix où tu le souhaites

1 = NON, pas du tout d’accord– 5 = OUI, tout à fait d’accord 

Fonctionnement et horaires

1

2

3

4

5

Je préfèrerai un groupe fixe sur des horaires définis

Je pars de l’atelier facilement

La liberté d'aller et venir dans l'atelier empêche de parler librement

Je ne me sens pas vraiment libre d’arriver, de rester, de parler et de partir quand je le veux

J’aurais autant de plaisir si j’étais obligé de participer 

La prise de parole

Parois, je veux parler et je n’arrive pas à avoir la parole

Il faudrait que tout le monde ait le même temps de parole

C’est un élève qui devrait donner la parole

Sujets 

Les sujets sont intéressants

Je voudrai proposer des sujets mais je n’ose pas 

Des sujets mon mis mal à l’aise 

Parler de certains sujets m’a aidé à être moins stressé

Je pense que l’on ne peut pas parler de tout dans l’atelier

Liberté de parole

Je me sens toujours libre de dire ce que je pense

Parler chacun son tour est pénible, je voudrais pouvoir couper la parole

Je m’empêche de dire des choses pour ne pas blesser mes camarades

On est à l’école, on ne peut pas tout dire et parler de tout

On n’est pas à l’école dans l’atelier on peut tout dire et parler de tout

Philosophie

Il me semble que je comprends ce qu’est la philosophie

Faire de la philosophie est amusant

Faire de la philosophie est intéressant

Faire de la philosophie me rend plus intelligent

Faire de la philosophie ne sert pas à grand-chose, je viens seulement quand il fait froid

J’ai compris des choses durant les ateliers que je n’aurais pas compris autrement 

Je prends plaisir à faire de la philosophie dans l’atelier

Apprentissage

Je suis plus à l’aise pour argumenter ou expliquer ce que je pense

Il me semble que j’écoute avec plus d’attention mes camarades

Je suis plus à l’aise pour conceptualiser ou parler plus en général

Je suis plus à l’aise pour problématiser ou aller vraiment sur le point qui pose question 

Je suis plus à l’aise pour parler en public

Je fais plus de discussion philos avec mes amis, ma famille depuis que je vais aux ateliers

 

Questions ouvertes - Atelier Philo

Dans les ateliers philos du jeudi, j’ai appris que

_________________________________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

 

Est-ce que le cadre libre de l’atelier m’a appris quelque chose ? (Répondre par oui ou non) : ____

Si oui, quoi, comment, pourquoi ?

_________________________________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

Si non, quoi, comment, pourquoi ?

_________________________________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

 

Que dois-je faire pour que les ateliers philos soient plus intéressant

_________________________________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

 

La liberté d’entrer et de sortir des ateliers philos est importante pour moi :

Oui :                un peu :                      non :

 

Si oui, est ce que j’aimerai avoir cette liberté ailleurs

Oui :                un peu :                      non :

 

J’espère que les ateliers philos vont me permettre de

_________________________________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

 

Être libre de rentrer, sortir, parler quand je le veux dans les ateliers philos va me permettre de

__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

 

Est-ce que m'asseoir où je veux, chaise, table est important ?

Oui :                un peu :                      non :

Si oui pourquoi : _________________________________________________________________________________

_________________________________________________________________________

 

Pourquoi vais-je à l'atelier philo, quand est-ce que j’y vais ?

_________________________________________________________________________________________

En allant le plus vite possible, cochez toutes les cases que vous associez à l’atelier philo ? 

Les réponses aux questions fermées du questionnaire

Rapport des réponses à la question une du questionnaire

Fonctionnement et horaires

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Je préfèrerai un groupe fixe sur des horaires définis

10

1

5

0

1

1,9

17

1,2

2,2

Je pars de l’atelier facilement

1

0

2

2

12

4,4

17

1,8

8,5

La liberté d'aller et venir dans l'atelier empêche de parler librement

8

1

3

1

2

2,2

15

1,4

3

Je ne me sens pas vraiment libre d’arriver, de rester, de parler et de partir quand je le veux

7

2

 0

4

1

2,3

14

1,6

3,2

J’éprouverais autant de plaisir si j’étais obligé de participer

3

5

3

1

4

2,9

16

1,9

4,7

La prise de parole

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Parfois, je veux parler et je n’arrive pas à avoir la parole

7

1

7

0

1

2,2

16

1,3

3

Il faudrait que tout le monde ait le même temps de parole

6

4

4

2

1

2,3

17

1,1

3,2

C’est un élève qui devrait donner la parole

13

4

0

0

0

1,2

17

0,5

0,6

Sujets

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Les sujets sont intéressants

0

0

1

6

9

4,5

16

1,2

8,8

Je voudrai proposer des sujets mais je n’ose pas

8

3

3

2

2

2,3

18

1,3

3,2

Des sujets mon mis mal à l’aise

13

2

1

1

0

1,4

17

0,6

1

Parler de certains sujets m’a aidé à être moins stressé

6

3

2

3

3

2,6

17

1,7

4,1

Je pense que l’on ne peut pas parler de tout dans l’atelier

8

1

4

2

2

2,4

17

1,4

3,4

Liberté de parole

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Je me sens toujours libre de dire ce que je pense

2

0

1

5

8

4,1

16

1,8

7,7

Parler chacun son tour est pénible, je voudrais pouvoir couper la parole

13

1

1

0

1

1,4

16

0,8

1,1

Je m’empêche de dire des choses pour ne pas blesser mes camarades

7

1

3

3

2

2,5

16

1,5

3,8

On est à l’école, on ne peut pas tout dire et parler de tout

2

2

3

4

4

3,4

15

1,6

6

On n’est pas à l’école dans l’atelier on peut tout dire et parler de tout

6

3

2

1

4

2,6

16

2,0

4,1

Philosophie

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Il me semble que je comprends ce qu’est la philosophie

2

0

6

3

6

3,6

17

1,9

6,6

Faire de la philosophie est amusant

0

1

3

4

9

4,2

17

1,6

8,1

Faire de la philosophie est intéressant

0

0

3

4

10

4,4

17

1,5

8,5

Faire de la philosophie me rend plus intelligent

2

2

2

6

4

3,5

16

1,6

6,3

Faire de la philosophie ne sert pas à grand-chose, je viens seulement quand il fait froid

13

2

1

 0

1

1,5

17

0,8

1,2

J’ai compris des choses durant les ateliers que je n’aurais pas compris autrement

2

0

3

4

8

3,9

17

1,9

7,4

Je prends plaisir à faire de la philosophie dans l’atelier

0

2

4

4

7

3,9

17

1,8

7,4

Apprentissage

1

2

3

4

5

µ

NB Rép.

σ

Note /10

Je suis plus à l’aise pour argumenter ou expliquer ce que je pense

1

1

9

4

2

3,3

17

1,0

5,7

Il me semble que j’écoute avec plus d’attention mes camarades

2

0

8

3

3

3,3

16

1,3

5,8

Je suis plus à l’aise pour conceptualiser ou parler plus en général

3

0

6

5

3

3,3

17

1,4

5,7

Je suis plus à l’aise pour problématiser ou aller vraiment sur le point qui pose question

3

1

3

3

6

3,5

16

2,0

6,3

Je suis plus à l’aise pour parler en public

4

1

5

4

3

3,1

17

1,5

5,1

Je fais plus de discussion philos avec mes amis, ma famille depuis que je vais aux ateliers

6

1

4

3

2

2,6

16

1,4

4,1

 

 

 


 

Les réponses aux questions ouvertes du questionnaire

Questions

Réponses

Dans les ateliers philos du jeudi, j’ai appris que :

Qu’on pouvait y aller aussi le mardi !

J’ai appris comment savoir que je suis réelle

Tout le monde avait des avis différents mais que nous étions complémentaires

Il n'y a ni bonne ni mauvaise réponse

Est-ce que le cadre libre de l’atelier m’a appris quelque chose ? (Répondre par oui ou non)

Oui, A ne pas couper la parole et écouter les autres et ça m'a appris la philo

Oui, on peut parler librement et écouter l'avis des autres pour voir plusieurs points de vue

Oui, ça m'a permis d'être capable de prendre la parole

Plein de chose intéressante

La philosophie n'est pas juste quelque chose d'ennuyeux et énervant mais quelque chose d'intéressant et qui demande de réfléchir

Je pense intéressant d'aborder tous les sujets sans contraintes et avec différents support (vidéo, photos, textes)

Je ne sais plus

Le cadre libre m’a appris que l'on était libre de ses actions

 Que dois-je faire pour que les ateliers philos soient plus intéressant ?

Rien, c'est déjà intéressant

Rien, ils sont parfaits

Faire venir Ethel plus souvent

Peut-être utiliser d'autres support (vidéo, documentaire…)

Rien, c'est déjà intéressant

Poser des questions

Proposer des sujets

La liberté d’entrer et de sortir librement des ateliers philos est importante pour moi ?

7 oui - 1 non

Si oui, est ce que j’aimerai avoir cette liberté ailleurs ?

4 oui - 2 un peu -1 non

J’espère que les ateliers philos vont me permettre de

Me poser des questions sur tout et sur rien !

M’aider à mieux réfléchir, parlementer

Mieux débattre, mieux répondre aux questions sans forcément de bonne réponse

Être libre, partir, même si ce n'est jamais le cas

Plus réfléchir sur certains sujets

Apprendre à écouter l'avis des autres, et de m'instruire

Apprendre plus de chose

Avoir de meilleure discussion avec mes parents

Me sentir mieux dans ma vie

Être libre de rentrer, sortir, parler quand je le veux dans les ateliers philos va me permettre de

M’exprimer

Ne pas me sentir obligé d'être là

Venir quand je veux, même si je fini tard

Mieux m'exprimer

Avoir plus de confiance en moi

Bouger librement

Est-ce que m'asseoir où je veux, chaise, table est important ?

Oui. Pour être à l’aise

Oui, parce qu'il faut se sentir à l'aise

Oui, car on peut être à côté de la personne que l'on veut

Oui. Je pense que s'assoir sur les tables n'est pas utile, mais j'aime que l'on puisse s'assoir où l'on veut

Oui, je peux choisir ma place

Oui car ça permet que mon corps ait la place qui lui convient pour prendre plaisir à l'atelier

Non

Un peu

 

Pourquoi vais-je à l'atelier philo, quand est-ce que j’y vais ?

J’y vais le mardi et le jeudi

Je peux y aller parce que les sujets sont intéressants, ou juste pour voir ce que c'est

J'y vais le jeudi, parce que c'est le seul jour où c'est ouvert

J'y vais quand le sujet m'intéresse et quand il fait froid

Car j'aime la philo, je sais que je vais devoir l'étudier au lycée et ça me permet e le découvrir et car je trouve enrichissant. J'y vais quand les sujets m'intéressent et quand mes amis acceptent de m'accompagner

J’y vais pour apprendre et aussi quand j'ai du temps

J’y vais car c'est intéressant

J'y vais le jeudi pour pouvoir réfléchir et pour débattre

Je vais à l'atelier philo de temps à autres pour les sujets qui me semblent intéressant


Les réponses à la question trois du questionnaire






Tableau du choix des mots dans l’enquête de 1998 (Jeantheau J-P & Murat, 1998).


Les sujets de cette année 2023 - 2024 dans les ateliers moulins au collège du Lherm


 






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire